Vue l’implication du microbiote dans les maladies inflammatoires chroniques cryptogénétiques de l’intestin (MICI), il est logique dans ce contexte de voir des médecins s’intéresser à la transplantation de microbiote fécal (TMF) et des malades espérer que cette voie puisse constituer une véritable alternative aux médicaments immunomodulateurs.
Une efficacité prouvée
Des essais ouverts chez des sujets souffrant de MICI ou de l’association de MICI et d’infection à Clostridium difficile ont suggéré une efficacité et à ce jour, la TMF a fait l’objet de 3 essais contrôlés publiés (tous chez des sujets souffrant de poussées de rectocolite hémorragique) [1-3] et un en cours d’analyse chez des sujets souffrant de maladie de Crohn (4). Les investigateurs de ces essais ont été tellement prudents que 2 des 4 essais ont été arrêtés avant que l’étude ne soit terminée car l’analyse statistique intermédiaire sans levée d’aveugle suggérait une futilité d’effet (l’absence d’effet utile). Quelle n’a pas été la surprise de voir que 2 des 3 essais publiés montrent in fine une efficacité thérapeutique significative de la TMF vs placebo.
L’espoir est donc fondé mais il reste de nombreux points à résoudre avant que le clinicien, la société et le malade puissent valider ou infirmer ce traitement. Les questions ci-dessous ont toutes été soulevées mais n’ont pas d’autre niveau de preuve que celui d’avis d’expert : Quelle composition (certains donneurs sont-ils meilleurs que d’autres ou plus adaptés à tel ou tel receveur) ? Quelle voie d’administration (lavement, coloscopie, sonde oro-duodénale) ? Quelle préparation (vidange colique ou antibiothérapie préalable) ? Quel nombre et quelle fréquence d’administration (5 administrations par semaine pendant 8 semaines dans le dernier essai) ? Quels effets indésirables observés ?
Un frein à son utilisation
Alors que ceci n’était pas envisageable il y a quelques années, la possibilité qu’une TMF puisse avoir des effets sur la dépression, l’obésité, le syndrome métabolique pose la question de risques de changements métaboliques profonds qui pourraient engager les receveurs de TMF vers de telles voies. La sélection de donneurs parfaitement sains n’est donc pas si simple. Surtout la transmission d’agents pathogènes conventionnels (bactéries, parasites, virus) ou non conventionnels (viroïdes ou prions étant ceux actuellement connus) doit être envisagée vu la complexité du milieu fécal. Le frein mis par nos autorités administratives et éthiques au développement anarchique de ce traitement est justifié (5). À nous néanmoins de ne pas priver certains malades aujourd’hui rares de cette opportunité (quand il n’y en a pas d’autre). Aux chercheurs enfin de poursuivre leurs travaux pour découvrir les principes actifs les plus efficaces et les plus sûrs à partir de ces observations.
Sorbonne universités, UPMC Univ Paris 06, INSERM-ERL 1157, CHU Saint-Antoine, UMR7203, services d’hépatologie, de gastroentérologie et nutrition, APHP, hôpital Saint-Antoine (Paris)
(1) Moayyedi P, Surette MG, Kim PT, et al . Fecal Microbiota Transplantation Induces Remission in Patients With Active Ulcerative Colitis in a Randomized Controlled Trial. Gastroenterology 2015;149:102-9
(2) Rossen NG, Fuentes S, van der Spek MJ, et al. Findings From a Randomized Controlled Trial of Fecal Transplantation for Patients With Ulcerative Colitis. Gastroenterology 2015;149:110-8
(3) Paramsothy S, Kamm MA, Kaakoush NO, et al. Multidonor intensive faecal microbiota transplantation for active ulcerative colitis: a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2017;389:1218-28
(4) Sokol H et al. Protocole Impact-Crohn deposé
(5) Sokol H, Galperine T, Kapel N, et al. Transplantation de microbiote fécal dans le cadre des infections à Clostridium difficile récidivantes : recommandations pour la pratique clinique courante. Hepato-Gastro & Oncologie Digestive 2015:278-90
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