LE QUOTIDIEN : L’endoscopie bariatrique, principalement l’endosleeve, est déjà pratiquée dans les CHU dans le cadre d’études (parfois même dans le privé à la charge des patients) et empiète sur des indications au départ exclusivement chirurgicales. Quel créneau ces techniques mini-invasives pourraient-elles occuper ?
PR JEAN-MICHEL GONZALEZ : La sleeve gastroplastie endoscopique (SGE), une gastroplastie verticale par suture transmurale, la technique mini-invasive la plus avancée, répond aux critères de prise en charge imposés par l’Assurance-maladie aux procédures d’endoscopie : permettre un minimum de 25 % de perte d’excès de poids (ou 15 % de perte de poids total) à un an en cas d’IMC > 35 kg/m2, avec un taux d’événements indésirables graves inférieur à 5 %.
Deux systèmes sont actuellement sur le marché : l’OverStitch et, plus récemment, l’Endomina, développé en Belgique par le Pr Jacques Devière. Il n’existe, à ce jour, pas de recommandations de la part de la Haute Autorité de santé (HAS) pour une prise en charge interventionnelle des patients dont l’IMC est compris entre 30 et 35 kg/m2 (obésité de grade 1), créneau où les techniques mini-invasives pourraient être indiquées.
Avec désormais plusieurs années de recul, l’endosleeve rivalise-t-elle avec la chirurgie bariatrique en termes de perte pondérale ?
Une étude parue récemment avec le système OverStitch a montré, avec cinq ans de recul, une perte totale de poids de plus de 5 % chez environ 90 % des patients, et de plus de 10 % chez 60 % d’entre eux (1). L’endosleeve talonne donc la sleeve chirurgicale. Une étude comparative non randomisée chez les patients avec une obésité de grade 2 (2) n’a pas trouvé de différence significative en termes de perte de poids total (60 vs 74 % de perte d’excès de poids à trois ans, respectivement), avec des suites postopératoires plus simples pour l’endosleeve.
Deux études randomisées posent l’endosleeve comme une technique sûre et efficace selon les critères internationaux, chez des patients dont l’IMC est comprise entre 30 et 35 kg/m2 ; l’une avec le système OverStitch et l’autre sur Endomina (3, 4), avec des pertes d’excès de poids de 45 % à un an. L’intérêt de l’étude avec l’Endomina (IMC [30-40] kg/m2) est son schéma en cross over, avec un groupe sleeve gastrectomie et un groupe suivant des mesures hygiénodiététiques (MHD) renforcées. À douze mois, le groupe sleeve gastrectomie avait perdu 12 % de poids total. Le groupe MHD a bénéficié à son tour d’une endosleeve et a ainsi pu rattraper le premier groupe vis-à-vis du paramètre perte d’excès de poids dans les six mois qui ont suivi, pour un taux de complications nettement inférieur à 5 %.
À ce propos, les études concluent de manière générale à un très faible de taux de complications postopératoires, notamment sévères, d’environ 2 % en moyenne (hématome de paroi, hémorragies digestives, voire de rares fistules). Afin d’accélérer le dossier du remboursement de l’endosleeve par la HAS – et de mettre un terme aux dérives financières actuelles –, l’hôpital Nord de Marseille est en train de clore les inclusions d’une étude prospective non comparative monocentrique.
Quelles sont les récentes données qui illustrent le glissement du « bariatrique » vers le « métabolique » ?
Plusieurs études sur l’endosleeve dans la Nash, parfois associé au sémaglutide, sont déjà parues, montrant qu’il est possible d’améliorer sensiblement des anomalies métaboliques comme l’HbA1c et la Nash. L’objectif métabolique est une finalité des procédures malabsorptives endoscopiques, qui visent à rétablir l’effet incrétine, pour une action à la fois pondérale et entérohormonale.
Nous allons débuter, au dernier trimestre 2023, une étude multicentrique française sur l’endosleeve dans le diabète de type 2 afin d’améliorer, au-delà de la réduction pondérale, le contrôle glycémique, voire d’arrêter les thérapeutiques antihyperglycémiques.
Où en sont les autres techniques endoscopiques ?
Dans l’idée d’agir au niveau de l’absorption duodénojéjunale proximale, la technique de resurfaçage de la muqueuse duodénale consiste en une ablation hydrothermique de la muqueuse. Les chiffres de la stéatose hépatique et de l’HbA1c sont améliorés, jouant un rôle de déclencheur pour une amélioration relativement durable. Plusieurs études randomisées concluantes ont été conduites, dont l’essai multicentrique international contrôlé randomisé en double aveugle Revita-2 (5) où le resurfaçage s’avère sûr et exerce des effets métaboliques positifs dans le diabète de type 2, avec ou sans maladie hépatique stéatosique, en particulier en cas de glycémie à jeun élevée.
Quant au gastric bypass endoscopique, les résultats sur les cochons sont prometteurs : nos tests avec la prothèse d’apposition tissulaire ont permis une diminution de l’insulinémie et de la glycémie ainsi qu’une perte de poids supérieure à celle obtenue avec le suivi classique. Mais que l’on parle d’endosleeve, de resurfaçage, de bypass endoscopique, avec ou sans occlusion du pylore… l’avenir sera peut-être de combiner ces techniques en fonction du profil pondéral et métabolique du patient.
(1) Sharaiha R Z et al. Clin Gastroenterol Hepatol. 2021 May;19(5):1051-1057.e2 (2) Alqahtani A R et al. Gastrointest Endosc. 2022 Jul;96(1):44-50 (3) Huberty V et al. Gut. 2020 Oct 28;gutjnl-2020-322026 (4) Abu Dayyeh BK et al. Lancet. 2022 Aug 6;400(10350):441-51 (5) Mingrone G et al. Gut. 2022 Feb;71(2):254-64
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