"Au-delà de la clinique, l'introduction de nouveaux marqueurs biologiques et le développement d'outils mobiles tendent aujourd'hui à améliorer le contrôle de la maladie et le suivi des patients. Toutefois, l'éducation thérapeutique pèche toujours par manque de moyens. Quand côté thérapeutique, l'année est marquée par l'arrivée des biosimilaires de l'adalimumab (Humira) et la perspective des nouvelles biothérapies" résume le Pr David Laharie (CHU de Bordeaux).
La calprotectine : un marqueur biologique de l'inflammation intestinale
Le suivi des patients repose surtout sur la clinique, l'imagerie (coloscopie, IRM) n'étant pas adaptée à un suivi rapproché. Mais la clinique est un reflet infidèle de l'activité inflammatoire en particulier dans la maladie de Crohn. De plus, la CRP reste négative dans 30 % des Crohn. Aujourd'hui, un marqueur sensible de l'inflammation intestinale est disponible : la calprotectine fécale, issue des polynucléaires neutrophiles excrétés dans les selles. "C'est un biomarqueur très intéressant dans le Crohn. Il est néanmoins non spécifique - élevé lors de gastroentérite infectieuse, de cancer intestinal… - et toujours pas pris en charge par la sécurité sociale (coût d'environ 50 euros)" explique D Laharie.
Éducation thérapeutique et soutien à distance
La prise en charge des MICI est comme toute maladie chronique en butte aux problèmes d'observance et de tolérance. L'éducation thérapeutique devrait être le nerf de la guerre. Mais elle reste le parent pauvre de la prise en charge. Pourtant le coaching des patients a fait ses preuves. L'an passé une étude randomisée néerlandaise a testé en vie réelle une application mobile (myIBDcoach) aidant les patients à gérer les problèmes liés à leur maladie (1). Cet outil a eu un impact significatif sur la qualité de vie, le nombre de consultations et les hospitalisations. C'est la preuve par neuf qu'aider le patient à mieux prendre en charge sa maladie permet de réduire les complications. Il est donc grand temps que l'éducation thérapeutique bénéficie de financements et que l'on mette en place un "forfait" maladie chronique. Une association dédiée à l’éducation thérapeutique dans les MICI (l’AFEMI) a d’ailleurs vu le jour début 2018. Elle devrait permettre de coordonner les efforts.
Biosimilaires de l'adalimumab : ne pas se précipiter
Après celui de l'infliximab (Remicade) en 2015, le brevet de l'adalimumab (Humira) est tombé cette année dans le domaine public. Plusieurs biosimilaires ont l'AMM européenne. Mais ces autorisations reposent sur des essais de non-infériorité cliniques en rhumatologie (polyarthrite). On n'a aucune donnée en gastro-entérologie.
Pour l'infliximab, le recul clinique ainsi que l'étude académique norvégienne de switch entre infliximab et biosimilaire, y compris dans les MICI, ont permis d'éclairer le débat (2). Nous n'avons donc plus de réticence aujourd'hui vis-à-vis des biosimilaires de l'infliximab. Cependant, nous sommes encore circonspects vis-à-vis de ceux de l'adalimumab, en raison de l'absence de données dans les MICI mais aussi parce que l'adalimumab (voie SC) est largement prescrit et délivré en ville. Ce qui fait craindre que des incitations à leur prescription soient mises en place trop précocement, sans attendre le recul ou le suivi nécessaire.
Nouvelles biothérapies originales à l'horizon
De nouvelles biothérapies immunomodulatrices aux mécanismes d'action divers sont venues ces trois dernières années élargir l'arsenal thérapeutique des MICI. Le védolizumab (Entyvio), immunosuppresseur sélectif de l'intestin, a été agréé dans le Crohn et la rectocolite hémorragique, l'ustékinumab (Stelara), anti IL12 et IL-23, dans le Crohn et, tout récemment, le tofacitinib (Xeljanz), un anti JAK, dans la rectocolite hémorragique. Ces nouvelles molécules sont réservées au traitement de seconde ligne, après échec aux anti TNF. Mais la multiplication des possibilités thérapeutiques ouvre le débat. Quelle sera à l'avenir la meilleure séquence de traitement, pour quel malade ...? De nombreux travaux seront nécessaires pour y répondre.
D'après un entretien avec le Pr David Laharie (CHU de Bordeaux)
(1) MJ de Jong et al. Telemedicine for management of inflammatory bowel disease (myIBDcoach): a pragmatic, multicentre, randomised controlled trial. Lancet 2017; 390: 959-968.
(2) KK J rgensen et al Switching from originator infliximab to biosimilar CT-P13 compared with maintained treatment with originator infliximab (NOR-SWITCH): a 52-week, randomised, double-blind, non-inferiority trial. Lancet 2017;389:2304-16
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