Le comité consultatif national d'éthique (CCNE) a rendu ce 25 septembre sa contribution à la révision de la loi de bioéthique. L'avis 129 reprend les neuf thèmes débattus par les citoyens lors des États généraux, avec le souci de « trouver un chemin entre deux visions qui ne sont pas à opposer : les désirs, constructions, envies individuelles qui relèvent de la notion d'autonomie, et une vision plus collective et partagée », selon le mot du Pr Jean-François Delfraissy.
Ouverture de l'AMP et de l'autoconservation ovocytaire à toutes les femmes
Sur la procréation, le CCNE reprend dans les grandes lignes son avis 126 sur l'assistance médicale à la procréation. Il reste ainsi favorable à l'ouverture de l'AMP pour les couples de femmes et les femmes seules, en appelant à anticiper les conséquences de cette évolution sur les CECOS ; et persiste dans son opposition à la gestation pour autrui.
En revanche, il revient sur ses réticences à l'égard de l'autoconservation ovocytaire hors cadre médical et se prononce pour « la possibilité de proposer sans l'encourager une autoconservation ovocytaire de précaution à toutes les femmes qui le souhaitent après avis médical ». Il souhaite aussi une possible levée de l'anonymat des futurs donneurs de sperme en appelant à réfléchir aux modalités, et l'autorisation d'une AMP en post mortem lorsqu'il y a un embryon cryoconservé et un projet parental.
Le CCNE insère une position minoritaire signée par deux membres (contre 10 dans l'avis 126) qui s'oppose à une évolution législative sur l'AMP et l'autoconservation ovocytaire.
Mercredi 26 septembre à 17h30.
Posez vos questions dès maintenant au Pr Delfraissy.
Distinguer recherche sur embryon, des recherches sur les cellules souches
Le CCNE propose de revenir sur la loi de 2011 révisée en 2013 qui encadre la recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires, en les plaçant sous le même régime de l'autorisation encadrée, accordée par l'agence de la biomédecine (ABM). Eu égard aux évolutions scientifiques, le CCNE suggère de distinguer deux régimes juridiques, correspondant à deux champs de recherche différents.
Le premier champ de la recherche, sur les embryons issus d'une procédure d'une fécondation in vitro, et dont les projets parentaux ont été abandonnés, « est très important pour la connaissance du développement précoce de l'embryon humain », a rappelé Laure Coulombel, chercheuse à l'Inserm. Le CCNE considère donc justifiée l'autorisation de cette recherche et se dit favorable à la possibilité de modifier le génome, notamment grâce à la technique CRISPR, dans le cadre exclusif de la recherche (sans transfert ultérieur). Il demande que soit clarifiée la limite temporelle au temps de culture de l'embryon. Il persiste en revanche de l'interdiction de la création d'embryons pour la recherche.
Le second champ de recherche, qui utilise des lignées de cellules souches pluripotentes, qu'elles soient embryonnaires (issus d'un embryon, propagées en culture incapables de se développer par elles-mêmes en embryons) ou IPS (pluripotentes induites), devrait sortir du régime juridique de l'embryon et tomber sous le coup d'une simple déclaration. En revanche, il faudrait alors encadrer les applications sensibles, liées à la pluripotence de ces cellules (par exemple, la création d'embryons chimériques), sous la responsabilité d'une instance multidisciplinaire ad hoc.
Élargir le dépistage préconceptionnel, prénatal, autoriser le DPIA...
En termes de génomique, le CCNE invite à une évolution du cadre législatif actuel qui limite l'analyse des caractéristiques génétiques constitutionnels, dans quatre situations médicales.
Il se dit favorable à une proposition de dépistage préconceptionnel prise en charge par la sécu, à toutes les personnes en âge de procréer, pour rechercher un panel de mutations responsables de pathologies monogéniques graves (et non aux gènes de prédisposition) dont la liste restreinte serait établie par l'ABM, voire des gènes actionnables.
Le CCNE recommande l'extension du diagnostic préimplantatoire à la recherche d'aneuploïdies, et le développement des approches de dépistage prénatal non invasif (DPNI) sur le sang de la mère et des recherches élargissant la validité des résultats de ces tests à un nombre supérieur de maladies génétiques.
Il se positionne aussi en faveur de l'élargissement du dépistage néonatal à la détection des déficits immunitaires, pour favoriser une prise en charge plus précoce.
Le CCNE reste en revanche hostile aux tests récréatifs, interdits en France, mais se propose d'examiner en profondeur la pertinence d'une extension du dépistage génétique à la population à la population générale, dans une perspective de prévention médicale.
Fin de vie, don d'organe, neurosciences...
Le CCNE propose de ne pas modifier la loi Leonetti-Claeys sur la fin de vie, mais demande au gouvernement un nouveau plan pour les soins palliatifs doté de financements conséquents, notamment pour former les équipes soignantes et développer la recherche. Pas de chamboule-tout non plus sur le don d'organes : le CCNE s'inquiète des inégalités régionales de l'offre de greffon et appelle à une meilleure information des Français, et à la création d'un statut de donneur vivant. Il (re)joue la prudence (comme en 2014) sur la neuro-amélioration et s'oppose à l'utilisation de l'IRM fonctionnelle dans le domaine judiciaire, le neuro-marketting, ou la sélection à l'embauche. Enfin il propose l'inscription du champ « santé et environnement » dans le préambule de loi de bioéthique.
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