Des facteurs génétiques, et non seulement le fardeau des traitements reçus dans l'enfance, pourraient expliquer une partie de la surmortalité des survivants de cancer pédiatrique, qui développent, des années après, un second néoplasme souvent plus sévère. C'est ce que mettent en lumière, dans The Lancet Oncology, des chercheurs de l'hôpital St Jude, à Memphis (Tennessee).
Même si le taux de survie cinq ans après un cancer pédiatrique s'élève aujourd'hui à 85 %, les rescapés ont une surmortalité toutes causes confondues neuf fois supérieure à la population générale, rappelle leur étude publiée ce 3 octobre.
L'équipe du Dr Zhaoming Wang (département d'épidémiologie), l'auteur senior, avait déjà montré que les survivants porteurs de variants pathogènes dans l'un des 60 gènes de prédisposition au cancer (TP53, BRCA 1 et 2, RB1, etc.) ou dans l'un des 127 gènes de réparation des lésions de l'ADN étaient plus susceptibles de souffrir d'un second cancer (au moins cinq ans plus tard). Cette fois, les chercheurs établissent un lien avec la sévérité de ces seconds cancers et la mortalité qui en découle.
Deux cohortes, plus de 12 400 patients
Pour ce faire, ils ont étudié deux cohortes rétrospectives rassemblant 12 459 survivants d'un cancer pédiatrique depuis au moins cinq ans, 4 402 venant de la St Jude Lifetime Cohort Study (SJLIFE) et 8067, de la Childhood Cancer Survivor Study (CCSS). Une spécificité commune : les participants ont tous bénéficié du séquençage de leur génome ou exome complet.
Plus de 5 % des participants (641 sur les 12 460) étaient porteurs de variants de prédisposition au cancer : 6,7 % dans la cohorte SJLIFE, 4,3 % dans la CCSS. La différence entre les deux cohortes s'explique par leur composition, la seconde ne prenant pas en compte les survivants d'un rétinoblastome pédiatrique, une population où se retrouve pourtant la majorité des porteurs de variants de susceptibilité.
Près de 7 % des participants (1 157) ont développé un cancer au moins cinq ans après le cancer primitif ; parmi eux, 83 étaient porteurs d'un variant de prédisposition. Plus de 20 % de ces néoplasmes étaient des cancers du sein, suivis de près (19 %) par des cancers de la thyroïde. En termes de mortalité, 263 décès sont liés à des cancers (en particulier du système nerveux central), dont 28 chez des porteurs de variants de prédisposition, 426 décès rapportés à d'autres causes connues, et 76 de raisons inconnues.
Conseil génétique et prévention personnalisée
Après analyses statistiques et ajustement (ascendance génétique, sexe, âge au diagnostic, expositions aux thérapies anticancéreuses), les survivants porteurs d'un gène de prédisposition ont un risque supérieur de mortalité lié à un second cancer (hazard ratio : 3,54) et de mortalité toutes causes (HR : 2,31) par rapport aux autres. À noter : cette association est surtout portée par les participants qui n'ont pas reçu de radiographie thoracique (ou à des doses inférieures à 20 Gy). L'exposition au traitement brouille en effet les pistes (une dose élevée de radiothérapie pourrait masquer l'effet de la variation génétique sur le risque de développer des néoplasmes malins ultérieurs) et les chercheurs soulignent l'importance de considérer la dimension génétique et l'exposition au traitement.
Ceci d'autant qu'ils mettent en évidence le fait qu'avoir un gène de susceptibilité est associé à une sévérité accrue de la tumeur (odds ratio : 2,15), si l'on prend en compte les deux cohortes.
Ils concluent sur l'importance du repérage des porteurs de variants génétiques de prédisposition au cancer, afin d'apporter conseil génétique et prévention personnalisée, mais aussi de dépister au plus tôt les cancers secondaires, dès leur stade précoce.
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