QUEL TRAITEMENT proposer quand ni une greffe de moelle allogénique ni une greffe de sang de cordon ne peuvent être réalisées faute de donneur compatible ? L’équipe INSERM dirigée par Patrick Aubourg vient d’apporter la preuve très concrète que la thérapie génique, qualifiée de futuriste il y a quelques années encore, peut être une solution pour sortir de l’impasse. Chez deux enfants atteints d’une maladie cérébrale rare sans donneur compatible, la thérapie génique sur cellules souches hématopoïétiques autologues a montré, dès les 14e et 16e mois après sa réalisation, des résultats comparables à ceux obtenus par la greffe de moelle allogénique, le seul traitement de référence à l’heure actuelle. Si l’expérience se limite à une situation très particulière, il n’en demeure pas moins que le succès constaté à plus de 24 mois chez ces deux enfants ouvre des perspectives.
Vecteur lentiviral.
Les deux petits patients, âgés de 7 et 7 ans et demi, étaient atteints d’adrénoleucodystrophie liée à l’X (ALD), une maladie neurologique grave démyélinisante touchant les garçons. Cette maladie héréditaire est caractérisée par des mutations du gène ABCD1, entraînant un déficit en protéine ALD. Or ce transporteur membranaire est essentiel pour la dégradation péroxisomale des acides gras à très longues chaînes par les oligodendrocytes et la microglie et garantir l’entretien de la myéline. Les garçons atteints développent alors vers l’âge de 6-8 ans des lésions cérébrales démyélinisantes multifocales, entraînant le plus souvent le décès avant l’adolescence.
Le seul traitement efficace jusqu’alors est la greffe de moelle allogénique réalisée à un stade suffisamment précoce afin d’enrayer le processus de démyélinisation. Compte tenu de la mortalité de la technique en l’absence de donneur compatible, les chercheurs ont ainsi estimé qu’une thérapie génique corrigeant le gène défectueux dans les cellules souches hématopoïétiques pouvait être une alternative appropriée. Pour porter le gène sain ABCD1, l’équipe de Patrick Aubourg a fait le choix d’un vecteur lentiviral, dérivé du VIH-1, plus efficace pour la transduction dans les cellules souches hématopoïétiques, que les classiques vecteurs murins rétroviraux (gamma RV). De plus, selon les auteurs, ce type de vecteurs pourrait éviter le risque mutagène décrit pour les gamma RV.
Stabilisation clinique.
La première étape a consisté à prélever des cellules sanguines périphériques mononucléées, après stimulation préalable. Une fois sélectionnées, les cellules exprimant le facteur de différenciation CD34 ont été activées puis « infectées » ex vivo par le vecteur lentiviral portant le gène sain ABCD1. Restait ensuite à réinjecter ces cellules au patient après myélosuppression totale par cyclophosphamide et bisulfan, afin de favoriser la prise de greffe en éliminant les cellules résidentes non modifiées. Cinq jours après la greffe, il a été constaté que 50 % et 33 % des cellules CD34+ injectées exprimaient la protéine ALD chez l’un et l’autre patient. Trente jours après la greffe, la protéine ALD était exprimée dans 23 à 25% des cellules mononucléées périphériques. À vingt-quatre mois, les séquences portées par le vecteur étaient dans plus de 17 % des cas des progéniteurs de la lignée granulocytaire, indiquant la viabilité de la prise de greffe à long terme.
Sur le plan neurologique, l’imagerie cérébrale par IRM a montré un arrêt de la progression du processus de démyélinisation, ce qui ne se produit jamais spontanément. Sur le plan clinique, les déficits neurologiques existants se sont stabilisés, alors qu’en l’absence de traitement, la dégradation des fonctions cognitives est inéluctable.
Dans cette étude, l’expression persistante de la protéine ALD dans près de 15 % des monocytes circulants était suffisante pour obtenir des résultats cliniques comparables à ceux de la greffe de moelle allogénique. Cette thérapie génique sur cellules souches hématopoïétiques pourrait être proposée aux adultes atteints d’ALD, pour lesquels la mortalité par greffe de moelle est de l’ordre de 40 %. Tout laisse à penser également que la technique ouvrira des voies de recherche dans d’autres maladies du système nerveux central, qu’elles soient génétiques ou multifactorielles.
Science, volume 236, 6 novembre 2009, 818-823.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024