De notre correspondant
LE TERME de maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) regroupe un ensemble des neuropathies sensitivo-motrices héréditaires qui n’affectent pas le pronostic vital. On distingue une forme avec démyélinisation (type 1) et une forme avec destruction des axones neuronaux (type 2). Cette neuropathie périphérique, qui débute dans l’adolescence, se caractérise par une paralysie des muscles du pied et de la jambe, à évolution lente, s’étendant progressivement aux mains et aux bras. Une famille étudiée par les généticiens américains en présentait une forme récessive. Quatre membres de la fratrie étaient touchés, mais quatre autres, tout comme les parents, étaient indemnes. Le diagnostic de la maladie avait été fait par les examens clinique et neurophysiologiques, mais les recherches de susceptibilité génétique étaient restées négatives.
121 mutations non-sens.
La recherche de toutes les substitutions possibles de nucléotides chez le probant a retrouvé près de 3,5 millions de polymorphismes nucléotidiques (SNP), parmi lesquels 1 165 204 étaient situés dans des régions génomiques et 9 069 étaient des polymorphismes non redondants, au nombre desquels les auteurs ont décelé 121 mutations non-sens. Leur étude a, par ailleurs, identifié 234 variations du nombre de copies de segments d’ADN. Aucune ne concernait des gènes déjà connus pour leur implication dans la CMT ou d’autres neuropathies.
L’étude des mutations potentielles au niveau de 40 gènes en liaison avec des neuropathies a retrouvé 54 SNP codants. Deux d’entre eux étaient situés au niveau du locus de la protéine SH3TC2. Il s’agissait d’une mutation faux-sens (Y169H) et d’une mutation non-sens (R954X). Les analyses de ségrégation ont permis de vérifier que ces mutations avaient des origines maternelle et paternelle indépendantes : la mutation R954X existait chez un des parents du probant et deux frères et sœurs indemnes de CMT de type 1, tandis que la mutation Y169H était présente chez un parent et un grand-parent non touchés. Seuls le probant et trois de ses frères et sœurs qui avaient hérité des deux allèles mutés présentaient le phénotype de la CMT de type 1. Enfin la mutation non-sens R954X (isolément ou accompagnée de l’autre mutation) était associée à l’existence d’un syndrome du canal carpien.
Cette méthode de séquençage génomique a donc permis, pour la première fois, de mettre en évidence les bases moléculaires d’une maladie héréditaire. Plusieurs raisons ont motivé l’utilisation du séquençage de génome entier. En particulier, le fait qu’on ne savait pas si les mutations recherchées se trouvaient dans des régions codantes déjà connues.
Un rôle dans la myélinisation.
Il est intéressant de noter que la protéine SH3TC2 possède deux domaines, SH3 et TPR, le premier impliqué dans l’assemblage de complexes protéiques de liaison aux protéines riches en proline, le second dans les interactions interprotéiques. Cette protéine est localisée au niveau du compartiment de recyclage endocytique périnucléaire, ce qui est compatible avec un rôle dans la myélinisation ou les interactions entre l’axone et le tissu de soutien glial.
Les résultats de cette vaste étude génétique plaident en faveur du rôle d’une haplo-insuffisance du gène SH3TC2 dans la prédisposition à une forme légère de polyneuropathie périphérique avec une susceptibilité particulière pour le syndrome du canal carpien. Mais au-delà de cette découverte, les travaux des chercheurs de Houston indiquent, pour la première fois, qu’il est possible de considérer l’application potentielle du séquençage de génome entier au diagnostic d’une maladie héréditaire à l’échelle individuelle, plus particulièrement lorsqu’on a affaire à des allèles rares.
JR Lupski, RA Gibbs et coll., New England Journal of Medicine, publié en ligne.
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