Déficit en alpha1-antitrypsine

La carbamazépine pourrait traiter la fibrose hépatique

Publié le 07/06/2010
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DANS LA FORME classique du déficit en alpha1-antitrypsine, qui concerne une naissance vivante sur 3000, une mutation ponctuelle du gène de l’alpha1-antitrypsine aboutit à une version anormale de la glycoprotéine produite dans le foie. Cette forme mutante ATZ est mal pliée et tend a s’agréger dans les cellules hépatiques. Il existe de plus une réduction (de 85 à 90 %) des taux circulants de l’alpha1-antitrypsine, le principal inhibiteur physiologique des protéases (dont l’élastase des neutrophiles).

L’accumulation des protéines mutantes ATZ dans les cellules hépatiques cause à la longue une fibrose hépatique et/ou un processus tumoral, par un mécanisme de gain de fonction toxique. Ainsi, si le déficit en alpha1-antitrypsine est la première cause génétique de maladie hépatique et de transplantation du foie chez l’enfant, la maladie peut parfois se révéler à l’âge adulte par une cirrhose ou un cancer.

Le Dr David Perlmutter et son équipe (Pittsburg, États-Unis) ont recherché si l’hépatotoxicité de la maladie peut être atténuée par un médicament accentuant l’autophagie. En effet, l’autophagie est un mécanisme intracellulaire de dégradation, et l’on sait que les voies protéasomiques et autophagiques participent à la dégradation de la protéine mutante ATZ.

Parmi les médicaments reconnus récemment pour majorer la dégradation autophagique des protéines anormales sujettes à l’agrégation (contenant des répétitions de polyglutamine), les chercheurs ont choisi d’évaluer la carbamazépine car son profil d’innocuité chez l’homme est bien connu.

In vitro, les chercheurs ont constaté que la carbamazépine entraîne effectivement une réduction nette des taux d’ATZ dans les cellules, majorant l’élimination des formes insolubles par l’autophagie, et l’élimination des formes solubles ATZ par un autre mécanisme (probablement protéasomique).

Nette réduction des taux d’ATZ.

Chez une souris transgénique (portant le gène ATZ humain), modèle murin de l’hépatopathie liée au déficit en alpha1-antitrypsine, le traitement oral par carbamazépine aboutit à une nette réduction des taux d’ATZ soluble et insoluble dans le foie. Elle réduit la fibrose hépatique.

« Le résultat le plus étonnant est que la carbamazépine fait régresser la fibrose hépatique des souris et, après deux semaines de traitement, le tissu hépatique ressemble à celui d’une souris en bonne santé », déclare le Dr Perlmutter.

Ces résultats, selon l’équipe, justifient l’évaluation de la carbamazépine chez les patients atteints de déficit en alpha1-antitrypsine. En outre, étant donne sa capacité a accentuer les voies de dégradation intracellulaire, la carbamazépine pourrait offrir un bénéfice thérapeutique dans d’autres maladies liées a des protéines mutantes mal pliées ou agrégées toxiques, comme les maladies d’Alzheimer, de Parkinson et d’Huntington.

Le Dr Perlmutter et son équipe explorent ces possibilités dans des études précliniques.

Sciencexpress 3 juin 2010, Hidvegi et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8784