De notre correspondante
MYCOBACTERIUM leprae (taille du génome : 3,3 Mb) est une bactérie encore impossible à cultiver en laboratoire. Bien que l’infection ne pose plus de problèmes sanitaires dans les pays développés, il persiste des foyers à haut risque dans les pays moins développés, comme en Afrique ou en Asie du Sud-Est. Aujourd'hui, le fardeau mondial de lèpre est en dessous de 250 000 cas chaque année.
Le séquençage du génome intégral d'une souche indienne (souche TN) de M. leprae, réalisé en 2001, a ouvert la voie à une meilleure compréhension de ce bacille et de sa transmission. Une caractéristique notable de ce génome est le nombre exceptionnellement élevé de pseudo-gènes, qui occupent la moitié du chromosome TN. La perte résultante de fonction pourrait expliquer le faible taux de croissance du bacille et l'impossibilité pour les chercheurs de le cultiver in vitro.
Le Brésil, deuxième pays le plus touché.
Une équipe internationale, dont les premiers signataires sont Marc Monot et Nadine Honoré (Institut Pasteur, Paris), rapporte une nouvelle avancée. Ils ont séquencé le génome complet d'une souche brésilienne de M. leprae (Br4923), choisie parce que le Brésil est le deuxième pays le plus touché par l’infection et parce qu'il est éloigné de l'Inde. Pour approfondir la comparaison, ils ont aussi séquencé plus finement les génomes d'une souche thaïlandaise (Thaï 53) et d'une souche des États-Unis (NHDP63).
La comparaison génomique révèle que les 4 souches géographiquement éloignées ont une séquence identique à 99,995 %. Elles ne diffèrent que par 215 sites polymorphiques (principalement des SNP) et 5 pseudo-gènes. Ce qui conforte l'hypothèse d'une émergence de la lèpre à partir d'une infection par un seul clone.
Ces résultats sont très rassurants pour le diagnostic, le traitement et la prévention, car ils signifient que la dérive antigénique de M. leprae devrait être négligeable et les séquences des cibles thérapeutiques ne varieront pas.
« Nous montrons que, globalement, le génome est très stable et que le nombre limité de polymorphismes peut être utilisé pour établir une phylogénie », explique au « Quotidien » le Dr Stewart Cole (École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Suisse) qui a dirigé ce travail. « Nous retraçons l'évolution de Mycobacterium leprae et la dissémination de la lèpre à travers le monde en examinant les prélèvements récents des patients, ainsi que les échantillons provenant des ossements de victimes de la lèpre décédées jusqu'à voici 1 500 ans. »
Dans un second temps, les chercheurs ont génotypé 78 sites SNP informateurs parmi 400 souches récentes ou anciennes du bacille, en provenance de 28 régions du monde. Ils ont ainsi pu classer ces souches en 16 sous-types de SNP, ayant une distribution géographique limitée, qui reflètent les mouvements de migration humaine et les routes commerciales.
Première souche émergeant en Afrique de l'Est.
Les résultats phylogéographiques étayent l'hypothèse d'une première souche, de type SNP2, émergeant en Afrique de l'Est. Celle-ci aurait ensuite donné naissance au type SNP1, qui s'est disséminé vers l'est en Asie, et au type SNP 3, qui s’est disséminé à l'ouest vers le Moyen-Orient et l'Europe, avant d'engendrer le type SNP 4 trouvé en Afrique de l'Ouest et dans les pays liés à l'Afrique occidentale par le trafic d’esclaves.
Deux nouvelles conclusions sont issues de ces résultats. Premièrement, la lèpre semble avoir été introduite en Asie par 2 routes : l'une par le sud, associée au type SNP1, l'autre plus au nord, associée au sous-type SNP3K, et débutant de la région méditerranéenne orientale puis se disséminant par la route de la soie vers la Chine, la Corée et le Japon. Deuxièmement, il est probable que la lèpre ait été apportée en Amérique par les immigrants européens.
« Puisque le génome de M. leprae est si bien conservé, cela signifie, par exemple, que les cibles médicamenteuses ou vaccinales ne changent pas au sein des souches répandues à travers le monde. Nous pouvons aussi prédire dans quelle région un patient a été infecté… Nous projetons de séquencer le génome des souches d'Afrique, en particulier d'Afrique de l'Est, afin de tester et confirmer l'hypothèse selon laquelle le bacille de la lèpre aurait émergé dans cette région. Cette analyse améliorera le pouvoir de notre système de typage et pourrait nous permettre de prédire la provenance à l’échelle d'un pays plutôt que d'un sous-continent », laisse entrevoir le Dr Cole.
Nature Genetics 1er novembre 2009, DOI : 10.1038/ng.477.
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