PARRAINÉ par Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique social et environnemental, le colloque du Collectif les Amis d’Eléonore* avait pour but « de poser le problème éthique », indique son président, Emmanuel Laloux et père d’une jeune femme trisomique, âgée de 26 ans. Le Collectif, qui regroupe plus de 30 associations et près de 3 000 personnes, veut également interpeller les candidats à la présidentielle sur la stigmatisation de la trisomie 21 car « loin des revendications catégorielles qui se font entendre pendant une campagne politique, la place accordée par notre société aux trisomiques relève de l’intérêt général car elle met en jeu la conception de l’humanité ».
« Aujourd’hui, on ne se focalise que sur le dépistage, regrette Emmanuel Laloux. On ne parle pas suffisamment de la recherche » alors que plusieurs équipes scientifiques mondiales travaillent sur la trisomie 21 et que cinq essais cliniques ont été lancés sur des patients trisomiques. Avec une volonté politique, « on pourrait changer le regard » sur la trisomie 21, veut croire Emmanuel Laloux qui s’insurge contre l’emploi du mot « mongolisme » que l’on peut encore trouver, y compris dans des documents officiels. Par deux fois déjà, le Collectif a déposé auprès du premier ministre François Fillon un dossier de candidature « Cause d’intérêt général ». Grâce à une résolution de l’ONU, la trisomie 21 bénéficie d’une journée mondiale, à une date symbolique puisque le 21/03 fait référence aux trois chromosomes 21 à l’origine du syndrome et de la déficience intellectuelle des patients trisomiques (www.trisomie21-france.org).
Dépistage.
Invitée en tant que directrice de l’Agence de la biomédecine, Emmanuelle Prada-Bordenave a rappelé les derniers chiffres d’activité des 49 Centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN). Sur les 35 783 dossiers examinés en 2009, 6 993 attestations ont été délivrées en vue d’une interruption médicale de grossesse (en 2008, les attestations d’IMG étaient au nombre de 6 876 pour 29 779 dossiers examinés). Les refus d’autorisation d’IMG ont été de 109 tandis que 578 grossesses se sont poursuivies « avec une pathologie qui aurait pu faire autoriser une IMG ». Parmi les 6 993 attestations d’IMG, 2 738 concernaient des maladies chromosomiques. « À l’Agence de la biomédecine, nous sommes très attentifs à ce que le dépistage ne devienne pas anxiogène, poursuit Emmanuelle Prada-Bordenave. L’échographie a apporté beaucoup à la protection de la mère et de l’enfant. L’échographie de la 12e semaine est un signal d’appel qui va concerner plusieurs pathologies, en particulier la trisomie 21 ». Depuis l’arrêté du 23 juin 2009, le dépistage de la trisomie 21 repose sur une stratégie combinée dès le premier trimestre de grossesse, qui associe des mesures échographiques et des analyses du sang. Sur les 840 000 femmes enceintes, 660 629 ont fait la démarche du dépistage par marqueurs sériques soit environ 20 % des femmes. « C’est un pourcentage constant », ajoute Emmanuelle Prada-Bordenave qui précise que cette réforme a permis d’abaisser de 30 % le nombre d’amniocentèse.
Un eugénisme de droit.
Le président de la Fondation Jérôme Lejeune, Jean-Marie Le Méné, y voit quant à lui d’autres résultats : 96 % des enfants trisomiques dépistés sont aujourd’hui avortés. La révision de la loi bioéthique, en juillet 2011, a aggravé la situation en faisant passer la France « d’un eugénisme de fait à un eugénisme de droit », comme l’écrit le Dr Patrick Leblanc, gynécologue-obstétricien et coordonnateur du Comité pour sauver la médecine prénatale, créé à l’occasion du débat parlementaire en 2010*. Selon la loi, « toute femme enceinte reçoit, lors d’une consultation médicale, une information loyale, claire et adaptée à sa situation sur la possibilité de recourir à sa demande, à des examens de biologie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse » (art 20). Le Dr Patrick Leblanc juge cette mesure contre-productive : « Informer toutes les femmes enceintes de la même manière revient à susciter la prescription en les inquiétant. Aussi, pour quelle raison inquiéter toutes les femmes enceintes dès la 1re consultation prénatale tandis que le résultat du test va finalement rassurer plus de 90 % d’entre elles ? ». Pour Jean-Marie Méné, la médecine se trouve dans une impasse médico-légale qu’il résume ainsi : « informer, c’est condamner ; ne pas informer, c’est être condamné ».
*Le Comité édite un recueil de prises de paroles d’experts qui se sont exprimés à ce sujet en 2012 : « 15 ans de dépistage de la trisomie 21 : l’erreur française ». Demande sur contact@sauverlamedecineprenatale.org.
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