De notre correspondante
« L'INTERFÉRON est un agent thérapeutique expérimental, utilisé depuis de nombreuses années pour traiter les patients cancéreux, mais avec des bénéfices modestes », déclare le Dr Junfang Ji (National Cancer Institute, NIH, États-Unis) premier signataire de l'étude publiée dans le « New England Journal of Medicine ».
« Nos résultats sont intéressants car nous redécouvrons un médicament qui pourrait être très prometteur pour les patients possédant un profil génomique particulier. La possibilité de traiter des patients avec un médicament existant, en se fondant sur le profil génomique d'une tumeur, devrait améliorer l'efficacité et réduire le coût du traitement », ajoute le Dr Xin Wei Wang (National Cancer Institute, NIH) qui a codirigé l'étude avec le Dr Hui-Chuan Sun (Université Fudan, Shanghai, Chine).
Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est fréquent et de mauvais pronostic ; il survient généralement sur une maladie hépatique chronique résultant d'une infection par le virus de l'hépatite B (VHB) ou C (VHC), ou d'une consommation excessive d'alcool.
Stratifier les patients en fonction du pronostic.
Une fraction des patients (de 10 à 20 %) sont éligibles pour la chirurgie (résection tumorale complète) à visée curative, toutefois la récidive est fréquente. Un traitement adjuvant par interféron alpha est souvent donné après la chirurgie afin de réduire le risque de rechute, mais cette approche échoue chez beaucoup.
Il serait précieux d'avoir des outils moléculaires permettant de stratifier les patients en fonction du pronostic et de la réponse au traitement.
Une des caractéristiques du CHC est sa plus grande fréquence chez l'homme que chez la femme, chez laquelle le pronostic tend à être meilleur. Ceci pourrait être dû à des différences biologiques de la tumeur ou du micro-environnement tumoral. Li et coll. ont cherché à identifier ces différences, en se concentrant sur les profils d'expression des microARN.
Les microARN (miARN) sont des petits ARN non codants d'environ 20 nucléotides qui censurent la traduction de nombreux gènes, en s'attachant par leur séquence complémentaire aux ARN messagers cibles. Ils inhibent de ce fait leur traduction en protéine. On sait que ces miARN peuvent fonctionner comme des gènes suppresseurs de tumeur ou des oncogènes, ils offrent donc d'excellents marqueurs pour le diagnostic du cancer et son pronostic.
Li et coll. ont examiné l'expression des microARN dans des échantillons appariés de tumeur et de tissu hépatique nontumoral environnant, appartenant à 455 patients atteints de CHC qui ont subi une résection tumorale complète entre 1999 et 2003 à Shanghai ou à Hongkong (3 cohortes).
Ces patients sont en majorité des hommes (85 %) et principalement infectés par le VHB (90 %).
En analysant une première cohorte (n = 241 patients), l'équipe a trouvé que le taux de microARN-26 (ou miR-26) dans le tissu hépatique nontumoral est plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
Les tumeurs ont une expression du miR-26 réduite, comparé aux échantillons appariés de tissu nontumoral, quel que soit le sexe.
miR-26 pourrait être un suppresseur de tumeur.
Les patients dont les tumeurs ont des taux faibles de miR-26 ont une survie plus courte, d'environ 4 ans, comparés aux patients dont les tumeurs ont une expression élevée du miR-26, quel que soit le sexe. Ceci a été vérifié dans les 2 autres cohortes. Ainsi, le miR-26 pourrait être un suppresseur de tumeur et son inactivation dans les cellules hépatiques pourrait contribuer au développement d'une forme plus agressive du CHC. Les tumeurs avec expression réduite (ou inactivation) du miR-26 possèdent des profils d'expression génique distincts, avec activation de voies de signalisation entre le facteur nucléaire kappa-B et l'interleukine-6.
Enfin, en analysant les 2 autres cohortes de patients (n = 214 patients) qui participaient à des études randomisées évaluant le traitement adjuvant par interféron en plus d'autres thérapies standard après résection tumorale, l'équipe a constaté que les patients ayant de faibles taux de miR-26 (associés à un mauvais pronostic) répondent mieux au traitement adjuvant par interféron. Chez ces patients aux faibles taux de miR-26, le traitement adjuvant par interféron allonge la survie de 7,7 ans, par rapport à l'absence de thérapie interféron. Ceci suggère que le microARN-26 pourrait être utile pour sélectionner parmi les patients atteints, ceux susceptibles de bénéficier du traitement adjuvant par interféron.
« Le microARN-26 peut servir d'outil diagnostique pour aider à stratifier les patients en apportant une prédiction pronostique et pour aider la médecine personnalisée en sélectionnant les patients qui auraient de fortes chances de tirer profit de la thérapie adjuvante par interféron », explique au « Quotidien » le Dr Wang. L'équipe envisage maintenant de conduire une étude clinique prospective afin d'évaluer cet outil diagnostique pour stratifier les patients, en particulier les patients non asiatiques et ayant d'autres maladies hépatiques sous-jacentes (infection par le VHC et/ou cirrhose alcoolique). Ils veulent explorer aussi le microARN-26 en tant que cible moléculaire chez les patients porteurs d’un CHC.
New England Journal of Medicine 8 octobre 2009, pp. 1437 et 1500.
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