Hypermobilité et étirabilité
Hypermobilité et étirabilité cutanée, ces deux manifestations de l’atteinte du tissu conjonctif et du collagène qui sont le support lésionnel de ce syndrome ne sont pas isolées. Elles s’associent, de façon très variable, à d’autres troubles : digestifs (reflux gastro-œsophagien, constipation, douleurs abdominales violentes), respiratoires (pseudo-crises d’asthme, bronchites à répétition, dyspnée), urinaires (diminution du besoin mictionnel, fuites), mais aussi ORL (hypoacousie, acouphènes) et ophtalmologiques (fatigue visuelle en particulier) mais surtout à des douleurs, de la fatigue et à des troubles proprioceptifs. Ces manifestations ne sont qu’en apparence hétéroclites, puisqu’elles sont toutes le fait d’une altération génétiquement transmise du tissu conjonctif.
Cette hypothèse d’une maladie du tissu conjonctif a été évoquée dès le XIXe siècle par Chernogubon, un médecin russe ayant fait une description du syndrome qui est restée ignorée de beaucoup, du fait de sa publication en russe.
Fragilité capillaire
Ehlers, citoyen du Royaume du Danemark avait, en 1899, publié le cas d’une personne avec une hypermobilité, une hyperélasticité, et une fragilité cutanée avec présence de nombreuses ecchymoses pour des traumatismes minimes.
Achille Miget, dans sa thèse de doctorat en médecine, en 1933, à propos d’un cas avait fait la même constatation mais, l’attribuait faussement à un trouble de la crase sanguine.
Il est vrai que la clinique peut être parfois trompeuse ; devant un de nos patients, un hématologiste s’étonnait d’un temps de saignement élevé (ce qui est compréhensible quant on connaît le mécanisme des micro-hémorragies dans ce syndrome alors que la biologie de la crase sanguine était normale).
L’explication tient à la notion de fragilité vasculaire, ici capillaire, du fait du déficit en fibres élastiques entraînant des saignements chez les patients (dents, épistaxis, selles, bronches, ménorragies, plaies…).
Cela conduisant à des situations parfois tragiques pour les mères d’enfants porteurs d’ecchymoses pour des traumatismes minimes.
Le syndrome des enfants battus est à la mode chez les médecins et, dans le public, d’où un pas trop vite franchi dans le diagnostic.
Garde à vue
Dans une enquête chez des patients porteurs d’un Syndrome d’Ehlers Danlos, nous avons constaté cette suspicion vis-à-vis des parents dans 16 % des cas.
Certains sont assez spectaculaires. C’est le cas de cette jeune mère de famille placée en garde à vue 48 heures pour ce motif dont elle a pu se disculper assez vite. C’est, aussi, le cas de cette autre mère, juriste de surcroît, « dénoncée » par le psychiatre du CMPP où son enfant est suivi, sans qu’elle en soit informée et ayant subi deux années durant, une intrusion et une surveillance au sein même de son intimité familiale. Épreuve redoutable et déstabilisante pour cette femme profondément traumatisée dans son honneur de mère et de juriste.
Autres arguments
Au total, chez un enfant, la constatation d’ecchymoses multiples, si elle doit faire évoquer le diagnostic « à la mode » de violences à enfants, doit, aussi, faire envisager un possible syndrome d’Ehlers Danlos dont c’est un excellent signe de dépistage. Il faut alors savoir rechercher d’autres arguments en faveur du diagnostic tels qu’une cicatrisation cutanée difficile, une hypermobilité, des douleurs diffuses, une fatigue, des manifestations digestives ou respiratoires qui vont conduire, avec les autres éléments familiaux au diagnostic d’une maladie génétique, orpheline et pas si rare que cela mais surtout méconnue des médecins, victimes de leurs préjugés : la réduction à deux signes, l’un cutané, l’étirabilité, et l’autre, articulaire, l’hypermobilité.
Ce syndrome jouit, de ce fait, d’une réputation usurpée, de bénignité par ignorance des autres symptômes qui y sont attachés lesquels, notamment les douleurs et la fatigue, conduisent à des handicaps très sévères (nécessité d’utiliser un fauteuil motorisé, recours aux autosondages).
Références :
1- Miget A. « Le Syndrome d’Ehlers-Danlos », Thèse pour le doctorat en médecine, Faculté de Médecine de Paris 1933.
2- Ehlers E., « Cutis laxa, tendances aux hémorragies de la peau, relâchement de plusieurs articulations (cas pour diagnostic). » Société danoise de dermatologie, 15 décembre 1899, m. Dermatol. Woch. VIII, p. 173.
3- Beighton P, De Paepe A., Steinman B. & al., « Ehlers-Danlos syndrome: revised nosology », Villefranche 1997, Am. J. Med, Genet, 1998, 77, 33-7.
4- Hamonet Cl., Dassouli A., Kponton-Akpabie A., Boulay Ch., Macé Y., Rigal C. "Une pathologie mal connue, source d’errances diagnostiques et thérapeutiques : le syndrome d’Ehlers-Danlos. Apports nouveaux de la médecine de Rééducation." Entretiens de Bichat, Médecine. Paris, Expansion scientifique française, pp. 6-9, 2001.
5-Hamonet Cl., "Le syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) : une entité clinique et génétique insolite, orpheline, et handicapante, mal connue dont la rareté doit être remise en question. Apport de la Médecine Physique et de réadaptation", Journal de Réadaptation médicale, N°2-3, septembre 2007, volume 27, pp. 64-70.
6- Hamonet Cl., « Ehlers-Danlos, un syndrome en mutation et à « pièges », Revue de Médecine Manuelle-Ostéopathie, Septembre 2008, n° 24, pp.27-32.
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