Par le Pr Sophie Christin Maitre et le Dr Bruno Donadille *
LE SYNDROME de Turner est une maladie rare. Sa fréquence est évaluée à 1/2 500 naissances féminines à terme, et se caractérise par la perte totale ou partielle d’un chromosome X. Le diagnostic est établi en France, en moyenne à l’âge de huit ans, devant une petite taille. Les enfants sont souvent très suivies en pédiatrie, en particulier par les endocrinologues pédiatres, car elles sont le plus souvent traitées par hormone de croissance. Le diagnostic peut cependant être établi sur un caryotype réalisé pendant la grossesse de leur mère, à la naissance devant une petite taille et/ou des malformations associées ou plus rarement lors d’un bilan de retard pubertaire ou d’infertilité. Des recommandations concernant le suivi de ces patientes ont été récemment publiées par l’HAS selon un PNDS (Protocole National de Diagnostic et de Soin) (1). Ces patientes sont prises en charge au nom de l’ALD31.
Une notion importante et relativement récente chez ces patientes est la nécessité d’un suivi cardiovasculaire. En effet, la mortalité toutes causes confondues est trois fois celle de la population générale et la première cause est d’origine cardio-vasculaire (2). Il est donc important de dépister la présence de malformations cardio-vasculaires congénitales caractéristiques de la maladie que sont la bicuspidie aortique (environ 30 % des cas) et la coarctation aortique. Le but de cette prise en charge est de prévenir les complications potentielles que sont la dilatation aortique et surtout la dissection aortique. Ces pathologies cardiovasculaires peuvent être dépistées au début de la vie mais aussi à l’âge adulte. Ainsi, une imagerie de la totalité de l’arbre aortique est donc conseillée, par échographie ou bien par IRM aortique en cas de mauvaise visualisation de l’aorte. L’aorte proximale devra être mesurée au niveau de l’anneau aortique, des sinus de Valsalva, de la jonction sino-tubulaire et de l’aorte tubulaire ascendante jusqu’à l’aorte abdominale. Il est important de rapporter les dimensions de l’aorte proximale à la surface corporelle de ces patientes. En effet, comme leur taille est inférieure à celle de la population générale, il est souhaitable d’utiliser ce rapport. À titre d’exemple, en corrigeant le diamètre aortique par la surface corporelle, le quart de la cohorte américaine du National Institute of Health avait une aorte dilatée, définie par un diamètre aortique › 20 mm/m2. Ces patientes, avec un diamètre dilaté nécessitent un suivi par imagerie annuelle. S’il n’existe pas de dilatation, un suivi tous les 3 à 5 ans est recommandé. Dans la prise en charge clinique, il convient de plus, de corriger les facteurs de risques cardio-vasculaires modifiables qui impactent sur la dilation aortique, en particulier l’hypertension artérielle, fréquente dans le syndrome de Turner.
Si les petites filles sont souvent bien suivies en pédiatrie, le suivi, en particulier cardiovasculaire, est souvent négligé à l’âge adulte. À titre d’exemple, une étude récente française vient de montrer que parmi les 568 patientes ayant participé à l’étude StaTur (3), seules 20 patientes (3.5 %) avaient bénéficié de la surveillance systématique globale, nécessaire tous les 3 à 5 ans, selon les recommandations. Suite à deux accidents mortels en France en per et postpartum, l’Agence de biomédecine et le Collège National des gynécologues obstétriciens (CNGOF) ont établi des recommandations concernant la prise en charge de ces patientes en préconceptionel et lors de leurs grossesses (4). En effet, même si les cas de grossesses spontanées sont très rares, ces patientes ont souvent recours à une procédure de don d’ovocytes. L’évaluation cardiovasculaire est donc très importante avant de pouvoir autoriser une grossesse chez une patiente avec un syndrome de Turner.
Si le suivi cardiologique est important, une prise en charge globale de ces patientes, est souhaitable. En effet, elles ont souvent des pathologies ORL à type de surdité, des anomalies hépatiques mais aussi endocrinologiques. En effet, elles ont dans plus de 90 % des cas, une insuffisance ovarienne prématurée qui nécessite un traitement hormonal substitutif, à base d’estrogènes et de progestatif jusqu’à l’âge physiologique de ménopause, soit aux alentours de 51 ans. Elles ont de plus un risque plus élevé que les femmes de la population générale de pathologies thyroïdiennes, en particulier d’hypothyroïdie et de diabète soit de type 1, soit de type 2. Ainsi, il est souhaitable que ces patientes soient suivies régulièrement et consultent dans un Centre de Référence ou un centre de compétence de Maladies Rares, prenant en charge cette pathologie, pour de plus amples informations : http://crmerc.aphp.fr/centre.
À l’heure actuelle, il existe encore de trop nombreuses patientes perdues de vue pendant la phase de transition vers la prise en charge adulte ! Pensez à leur cur !
* Hôpital Saint-Antoine, Centre de références des maladies endocriniennes rares de la croissance (CMERC), Paris
1 - Protocole national de diagnostic et de soins : Syndrome de Turner (HAS, janvier 2008). http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_632 797/ald-n-31-syndrome-de-turner
2 - Mortality in women with turner syndrome in Great Britain : a national cohort study. Schoemaker MJ, Swerdlow AJ, Higgins CD, Wright AF, Jacobs PA; United Kingdom Clinical Cytogenetics Group. J Clin Endocrinol Metab. 2008 Dec;93(12):4735-42.
3 - Determinants of medical care for young women with Turner syndrome. Devernay M, Ecosse E, Carel J.-C. J Clin Endocrinol Metab. 2 009 Sep ; 94 (9) : 3 185-7.
4 - Syndrome de Turner et grossesse. Recommandations pour la pratique clinique. Agence de Biomédecine & CNGOF. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, In Press, Corrected Proof, Available online 5 November 2 009 (http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2009.10.001).
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