Un locus prédisposant est identifié

Trouble bipolaire et dépression partagent une base génétique

Publié le 19/01/2010
Article réservé aux abonnés

DE NOTRE CORRESPONDANTE

« NOUS SAVONS DEPUIS longtemps que la dépression majeure et le trouble bipolaire sont retrouvées ensemble dans certaines familles, ce qui laisse penser que cela est le reflet de facteurs génétiques partagés », explique au « Quotidien » le Dr Francis McMahon du National Institutes of Health (Bethesda, États-Unis) qui a dirigé ce travail.

« Les études d’association génomique nous donnent la possibilité de tester cette idée pour la première fois ; dans ces études, des variations génétiques communes ponctuant le génome sont examinées pour voir si elles sont associées à la maladie. »

L’équipe a réalisé une méta-analyse de 5 études d’association génomique de cas-témoins : WTCCC comprenant environ 1 900 cas de troubles bipolaires et 3 000 témoins ; GAIN-MDD : environ 1 700 cas de dépression majeure, 1 700 témoins ; STEP-BD : environ 1 400 cas de troubles bipolaires et 2 000 témoins ; NIMH-BP : 1 000 cas de trouble bipolaire et 1 000 témoins ; enfin, une série allemande avec 645 cas de troubles bipolaires et 1 300 témoins.

En analysant, dans ces séries de cas-témoins, près de 318 000 marqueurs SNP répartis à travers le génome, les chercheurs ont identifié une association entre un trouble majeur de l’humeur (trouble bipolaire et dépression) et 6 variants SNP sur le chromosome 3p21, et notamment le variant rs2251219 (OR = 0,87 ; allèle C moins fréquent chez les patients que chez les témoins).

Les chercheurs ont confirmé l’association de ce variant dans une série indépendante de cas-témoins pour le trouble bipolaire (GSK ; n = 1 500) et une série indépendante de cas-témoins pour la dépression majeure (GSK, Munich ; n = 1 800).

Les signaux d’association sur le chromosome 3p couvrent une région de près de 250kb contenant plusieurs gènes, dont 2 sont de bons candidats.

Le variant rs2251219 en particulier est situé dans le gène PBRM1 qui encode la protéine polybromo-1, importante pour le remodelage de la chromatine. De façon importante, l’équipe a constaté une surexpression de PBRM1 dans le cortex préfrontal dorsolateral des patients affectés du trouble bipolaire, par rapport aux témoins.

« Ce que nous avons découvert, c’est qu’il existe au moins un gène associé à la fois à la dépression et au trouble bipolaire. Ce gène semble avoir une petite influence sur le risque (d’environ 15 à 20 %) mais, et ceci est important, le risque est équivalent pour la dépression et le trouble bipolaire », explique au « Quotidien » le Dr Francis McMahon (NIH).

« Puisqu’il existe de nombreux gènes dans la région d’association identifiée, nous ne pouvons pas être certains de l’identité du gène coupable, mais l’une de nos expériences qui utilise le tissu cérébral post-mortem met en cause l’un des gènes, PBRM1. Ce gène encode la protéine polybromo1, qui est impliquée dans la régulation de nombreux gènes durant le développement. »

Des implications cliniques.

« Nos résultats étayent l’idée selon laquelle la dépression et le trouble bipolaire partagent une base génétique, au moins en partie, fait-il entrevoir. La biologie de PBRM1 pourrait au final nous amener à mieux comprendre les causes de la dépression et du trouble bipolaire, mais le chemin sera long. »

« D’un autre coté, nous n’avons pas trouvé de variations génétiques courantes qui jouent un rôle majeur dans l’une ou l’autre des maladies, en dépit d’un échantillon important, supérieur a 10 000 personnes. Cela signifie que les tests génétiques pourraient avoir peu ou pas d’intérêt dans le diagnostic des troubles majeurs de l’humeur. »

« Notre étude met l’accent sur la grande question qui demeure non résolue : qu’est-ce qui explique la très grande héritabilité des troubles majeurs de l’humeur ? La réponse pourrait se trouver dans les types moins courants de variation génétique, ou dans l’interaction de nombreux gènes qui auraient, chacun, seulement un petit effet. »

Nature Genetics, 17 janvier 2010, McMahon et coll, DOI: 10.1038/ng.523

             

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8689