LE SYNDROME de Gilles de la Tourette (SGT), du nom du neurologue français qui fut le premier à le décrire, est un trouble neuropsychiatrique commun (1 % de la population), caractérisé par des tics moteurs et des tics vocaux. Ces tics débutent dans l’enfance et s’atténuent généralement à l’âge adulte.
Les mécanismes moléculaires en restent incertains et les traitements ont une efficacité limitée. Il serait précieux de mieux comprendre la pathogénie du trouble afin de pouvoir développer de nouvelles approches.
En dépit d’une forte composante génétique, la transmission héréditaire est complexe et l’identification des allèles à risque s’est avérée difficile. À ce jour, seuls de rares variants de la protéine transmembranaire neuronale SLITRK1 y ont été associés. Cependant, la fonction de cette protéine n’est pas bien comprise et l’on ignore comment elle contribue au syndrome.
Le père et les 8 enfants sont atteints.
Une équipe de l’Université de Yale (New Haven, États-Unis), dirigée par le Dr Matthew Slate, rapporte une avancée majeure. Ils ont pu étudier une famille exceptionnelle où le syndrome de Gilles de la Tourette est transmis selon un mode autosomique dominant. Dans cette famille, le père et les 8 enfants en sont atteints (avec en outre un trouble obsessionnel-compulsif chez le père et 2 enfants), tandis que la mère, ses parents et sa fratrie ne présentent ni SGT, ni TOC, ni tics chroniques.
En analysant l’ADN génomique dans cette famille, ils ont pu identifier une liaison entre le syndrome de Gilles de la Tourette et une région du chromosome 15, puis ils ont découvert la mutation causale (W317X) située dans le gène HDC. Ce gène encode l’histidine décarboxylase, l’enzyme de la biosynthèse de l’histamine.
La mutation W317X est censée produire une protéine tronquée et résulter en une baisse d’histamine dans le système nerveux central (SNC). Leur analyse du gène HDC dans la population générale indique qu’une mutation de ce gène est extrêmement rare.
Les précédents travaux sur le rôle de l’HDC dans le cerveau étayent cette découverte génétique. En effet, si l’HDC est surtout exprimé dans l’hypothalamus postérieur, les neurones contenant l’histamine se projettent à travers tout le cerveau. Le signal histaminergique est transmis par 4 récepteurs (H1 à H4) connus pour moduler les rythmes circadiens, l’appétit, la mémoire, et le comportement ; les récepteurs H2 et H3 sont abondants dans le striatum et le cortex, deux régions impliquées dans le SGT.
Enfin, les souris déficientes en Hdc ont des mouvements stéréotypiques déclenchés par des stimulants, et peuvent servir de modèles pour étudier les tics humains.
Une mutation codante clairement fonctionnelle.
« C’est la première observation d’un lien entre la neurotransmission histaminergique et les tics chez les humains, et l’une des rares fois ou l’on trouve une mutation codante clairement fonctionnelle dans une famille atteinte », souligne pour le « Quotidien » le Dr Matthew Slate. « Étant donné l’existence d’agents pharmacologiques qui majorent spécifiquement la neurotransmission histaminergique, notre découverte suggère une nouvelle voie pour traiter le SGT ».
« La mutation trouvée dans cette famille devrait diminuer la production d’histamine dans le SNC. De précédents travaux chez la souris montrent qu’une baisse d’histamine cérébrale aboutit à une augmentation des comportements stéréotypiques qui semblent similaires aux tics humains et des agents majorant l’histamine cérébrale (en bloquant le récepteur H3) inversent cet effet. Le travail actuel, qui établit un lien avec le trouble humain, suggère que cette approche thérapeutique pourrait être utile chez les individus qui souffrent de tics ou du SGT, même s’ils ne portent pas cette mutation spécifique ».
« Les agonistes inverses et les antagonistes du récepteur histamine 3 (H3R) sont déjà en phase finale de développement ou évalués dans les premiers essais cliniques pour des troubles autres que le SGT. Le travail présent suggère qu’ils pourraient offrir une nouvelle approche pour atténuer les tics ».
L’équipe de Yale recherche maintenant d’autres mutations de gènes impliqués dans la neurotransmission histaminergique. Elle conduit également des études de neuro-imagerie dans la famille index et étudie la fonction striatale chez la souris déficiente en HDC.
« Nous espérons collaborer sur un premier essai d’antagonistes ou d’agonistes inverses du H3R chez des adultes atteints du syndrome de Gilles de la Tourette, poursuit le Dr Slate. Ces composés, qui sont évalués dans des essais cliniques précoces pour d’autres troubles, montrent un bon profil d’innocuité. »
New England Journal of Medicine, 3 mai 2010.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024