L’ÉQUIPE de Pascal Bousquet, Angelo Livolsi et coll. (Université et hôpitaux universitaires de Strasbourg), qui est la première à publier ces résultats, s’intéresse aux relations entre l’activité du système parasympathique et la mort subite du nourrisson depuis une dizaine d’années, sous l’impulsion d’un cardio-pédiatre, explique le chercheur. Un modèle d’hyperréactivité vagale chez le lapin a été mis au point. La constatation d’une hyperreprésentation des récepteurs à l’acétylcholine au niveau du myocarde des animaux a donné un substrat biologique au concept.
Par ailleurs et même si cela n’a pas d’implication clinique et n’a qu’un rapport lointain avec ces recherches, des anomalies de neurotransmetteurs ont été mises en évidence par des chercheurs américains au niveau central et non périphérique, dans certaines régions du cerveau.
Densité doublée voire triplée.
L’équipe strasbourgeoise a entrepris une étude pour rechercher la présence d’anomalies du système périphérique vago-cardiaque. Des nourrissons décédés de MSIN et d’autres causes ont été inclus. Les causes de décès dans le groupe témoin étaient médicales (infection, déshydratation, maladie métabolique) ou traumatiques (syndrome de l’enfant secoué, hématome sous-dural).
Deux groupes ont été constitués, l’un comprenant 18 nourrissons décédés de MSIN et l’autre 19 témoins. Des prélèvements de ventricule gauche ont été analysés chez 9 nourrissons décédés de MSIN entre 1 et 9 mois et chez 8 témoins.
La densité des récepteurs cardiaques spécifiques (dits muscariniques) à l’acétylcholine, le médiateur du nerf vague (parasympathique) a été évaluée. « Le nerf vague est un nerf freinateur du cœur qui, lorsqu’il fonctionne exagérément, peut mener à des ralentissements très importants du rythme cardiaque, voire à des arrêts cardiaques », rappelle les chercheurs.
L’expérience menée avec un ligand muscarinique spécifique montre que la densité des récepteurs est doublée et presque triplée dans le groupe MSIN comparativement aux témoins. L’anomalie est trouvée chez tous les enfants du groupe MSIN.
L’activité de l’enzyme acétylcholinestérase érythrocytaire a aussi été évaluée chez 9 nourrissons MSIN et 11 témoins. Elle est augmentée significativement en moyenne dans le groupe des MSIN, mais n’est pas présente chez tous les enfants.
« L’étude montre pour la première fois une surexpression des récepteurs muscariniques cardiaques en association avec la MSIN. » L’augmentation de l’activité de l’acétylcholinestérase est comprise comme un mécanisme compensateur de l’organisme qui tente de répondre à l’excès d’acétylcholine. Lorsque ce mécanisme est dépassé, le risque de MSIN apparaît dans un contexte où les enfants présenteraient une vulnérabilité par hyperactivité parasympathique. Chez l’animal, on observe que ce mécanisme se met en place progressivement.
Dépistage sur un échantillon sanguin.
« L’originalité et l’intérêt majeur de ces travaux strasbourgeois résident dans la perspective de l’identification de marqueurs du risque et la possibilité d’un dépistage très précoce de cette anomalie (dès les premiers jours de vie) à partir d’un simple échantillon sanguin. » ?Étant donné que, dans le modèle animal, l’anomalie est également présente dans la fraction leucocytaire, on cherche à savoir si le dépistage des bébés à risque est envisageable.
À quoi peut être due cette augmentation de l’expression des récepteurs muscariniques ? La réponse la plus immédiate est : à un facteur génétique, les autres facteurs potentiels restant à déterminer. Le tabagisme maternel pourrait-il intervenir ? La nicotine agit bien sur des récepteurs à l’acétylcholine, mais ce ne sont pas les mêmes et ils ne sont pas représentés sur le cœur. La mise du nourrisson en décubitus ventral pourrait agir comme déclencheur.
Ces travaux ouvrent aussi une voie à des prises en charge thérapeutiques par des médicaments capables de réduire l’activité du nerf vague au niveau du cœur.
PLoS One, 3 mars 2010.
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