À L’OCCASION de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, le 2 avril 2009, l’association Léa pour Samy avait déposé auprès du ministère de la Santé une demande de moratoire au sujet de la technique du packing appliquée aux enfants autistes. Pour elle, cette méthode est maltraitante et s’assimile à un acte de torture.
La DGS (Direction générale de la santé) avait alors saisi le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), et plus précisément sa commission spécialisée Sécurité des patients. Celle-ci vient de rendre public son rapport. Elle considère que, « compte tenu de l’absence de risques notables identifiés à ce jour, la réalisation du packing ne présente pas de risques qui justifieraient son interdiction ». N’excluant cependant pas l’existence de risques psychiques, la commission indique dans son rapport qu’ « elle (l’existence de risques) doit être prise en compte dans l’analyse bénéfice-risque de cette méthode de prise en charge, au même titre que toutes les autres méthodes de prise en charge, médicamenteuse ou non, de l’autisme ». Elle reconnaît par ailleurs que la balance bénéfices-risques ne repose que sur des constatations empiriques et préconise donc que soient poursuivis les travaux de recherche de nature neurophysiologique et clinique.
Corporatisme médical.
La décision du Haut Conseil ne risque pas de rassembler les différents protagonistes concernés : certaines associations de familles d’enfants autistes d’une part, de l’autre les partisans de cette méthode qui date des années 1970 auprès de patients schizophrènes d’abord puis des années 1980 s’agissant d’enfants autistes. Léa pour Samy, très remontée, n’est cependant pas surprise des termes du rapport, pointant un « problème dans la saisine même du Haut Conseil ». « Dès le départ, les pistes étaient faussées, puisque le ministère de la Santé a totalement évincé la notion de maltraitance, estime M’Hammed Sajidi, président de l’association. Ont été étudiées les conditions dans lesquelles le packing peut être pertinent. C’est donc le considérer de fait comme un traitement potentiel. Or, son efficacité ne repose sur aucune donnée scientifique. Alors qu’on repousse le développement de méthodes éducatives (méthodes TEACCH, ABA…) pour le même motif, selon lequel leur efficacité n’a pas été prouvée scientifiquement. Ce qui nous paraît encore plus grave, c’est que le Conseil reconnaît la possibilité d’un risque psychique dans l’usage de cette technique, qu’il autorise néanmoins. La communauté scientifique internationale ne valide pas du tout le packing. Pour nous, ces résultats sont la démonstration indiscutable d’un corporatisme médical. »
Un protocole en suspens à Lille.
Évidemment, à l’inverse, le Pr Pierre Delion, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CHU de Lille, se réjouit des conclusions du rapport. « C’est rassurant, le conseil dit clairement que cette méthode ne comporte aucun risque, traduit-il. Mon travail est enfin officiellement dédouané de tout soupçon. Nous allons pouvoir reprendre le protocole. »
Le Pr Delion avait en effet lancé un protocole en janvier 2009, interrompu, assure-il, par la demande de moratoire. « Seulement une quinzaine de patients sont inclus. La campagne de dénigrement menée par Léa pour Samy a fait du tort, effrayant les familles qui avaient accepté de laisser leurs enfants participer à notre étude. »
Pour lui, le rapport du HCSP donne clairement le feu vert au redémarrage du protocole. « Nous aurons donc perdu un an. Mais nous exprimons le souhait de lancer ce protocole depuis 1998… Cette méthode, nous l’utilisons depuis trente ans. Nous n’avons pas compris cette levée de boucliers. Concernant les scientifiques qui soutiennent les propos de Léa pour Samy, je pense qu’ils parlent de l’autisme sans le connaître. Ce que je comprends en revanche, c’est l’inquiétude des parents dont les enfants s’automutilent. Le packing est utilisé en dernier recours dans des cas bien précis. Et il est efficace. Cela prend parfois plusieurs mois, à raison de cinq séances par semaine si possible, même si bien souvent nous devons nous contenter de deux seulement, faute de moyens. L’objectif est d’aider l’enfant à se désintoxiquer des processus endorphiniques d’automutilation. » Le packing consiste à envelopper un enfant dans des serviettes humides froides (à température autour de 10-15 degré) jusqu’au cou puis dans un drap sec, puis dans un tissu imperméable et enfin dans deux couvertures chaudes. Le réchauffement rapide ainsi provoqué est censé produire chez l’enfant une détente musculaire importante, un certain bien-être. Cette technique n’est utilisée qu’en cas graves d’auto- ou hétéro-mutilations.
La HAS mène actuellement une étude sur « l’état des connaissances (en matière d’autisme et autres troubles envahissants du développement) hors mécanismes physiopathologiques, psychopathologiques et recherches fondamentales ». Elle devrait rendre ses recommandations d’ici la fin avril.
Léa pour Samy étudie pour sa part son angle d’attaque. Elle va sûrement réitérer sa demande d’enquête parlementaire, qu’elle réclame depuis 2003 (auprès du président de la République, du Premier ministre, du ministre de la Santé). Elle mise également sur les effets de sa plainte déposée auprès du TGI (Tribunal de grande instance) de Paris, qui remonte déjà à septembre 2006, plainte contre X pour « discrimination à l’égard des enfants autistes ». Quarante-sept familles ont souhaité se constituer partie civile et 260 ont participé à la compilation de témoignages qui fait partie des pièces à conviction du dossier qu’étudie actuellement le pôle santé du TGI. « Et puis s’il le faut, nous irons devant la cour européenne des droits de l’homme, affirme M’Hammed Sajidi. D’ailleurs, nous pensons que notre cause sera très probablement davantage écoutée hors les frontières de la France. »
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