LE JUGEMENT de 152 pages a été rendu lundi dernier. Robert W. Sweet, juge fédéral new yorkais, a invalidé 7 des 23 brevets détenus par Myriad Genetics et l’université d’Utah et portant sur les gènes BRCA1 et BRCA2 de susceptibilité au cancer du sein et de l’ovaire. Le juge a estimé que ces brevets n’auraient pas dû être accordés puisqu’ils portaient sur des « produits de la nature » et ne résultaient pas d’une invention humaine.
La procédure avait été engagée en mai 2009. Les plaignants, un collectif composé par la puissante American Civil Liberties Union (ACLU), la Public Patent Foundation mais aussi plusieurs sociétés savantes médicales (Association for Molecular Pathology, American College of Medical Genetics, American Society for Clinical Pathology, College of American Pathologists), des associations de patients, des médecins et des malades, ont accueilli la décision comme « une immense victoire pour la santé des femmes et la liberté scientifique ».
Robert Cook-Deegan, directeur du Centre d’éthique génomique, à l’université de Duke (Caroline du Nord), s’est lui aussi réjoui : « C’est la première fois qu’un juge invalide des brevets sur des gènes servant à établir un diagnostic », a-t-il souligné. Cela « pourrait bouleverser les choses », a-t-il aussi estimé.
Découverte et invention.
C’est en effet la première fois aux États-Unis qu’une telle décision remettant en cause la brevetabilité des gènes est prise. Le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet, de l’Institut Curie (université Paris-Descartes) qui a participé au combat mené depuis 2001 contre Myriad Genetics et ses prétentions monopolistiques par la communauté scientifique et médicale en Europe et en France contre, salue cette décision « inespérée ». « C’est une vraie remise en question de la brevetabilité des gènes », dit-elle au « Quotidien ». Dans ce jugement est, selon elle, « enfin prise en compte la différence entre découverte et invention. Pour qu’il y ait invention, il faut qu’il y ait intervention de la main et de l’esprit ingénieux de l’homme. »
La généticienne souligne que les brevets Myriad Genetics, qui, bientôt, vont tomber dans le domaine public, « en gros vers 2015 », étaient devenus « emblématiques de la brevetabilité du gène et du génome ». Si la décision était confirmée, cela pourrait permettre d’ouvrir une vraie réflexion sur la commercialisation du génome humain, en particulier sur « l’utilisation des variants génétiques (SNIPs) qui sont associés à une augmentation très modérée du risque de certaines maladies et qui n’ont pas d’utilité clinique. Les études épidémiologiques vont pouvoir se poursuivre sans que des enjeux commerciaux ne viennent s’en mêler de manière précipitée ».
20 % des gènes.
Myriad Genetics a fait appel du jugement. La société avait justifié ses brevets par le savoir-faire et les efforts nécessaires pour isoler l’ADN, se référant au Patent Act. En effet, c’est en 1980, qu’un arrêt de la Cour suprême des États-Unis a admis le principe de la brevetabilité du vivant. Ses partisans craignent aujourd’hui qu’un affaiblissement des droits de la propriété intellectuelle serait un frein au développement des sociétés de biotechnologies qui auraient du mal à mobiliser des fonds pour la recherche. Environ 20 % des gènes humains font l’objet d’un brevet et le secteur est en plein essor.
Les patients, eux, espèrent que l’annulation des brevets va permettre une baisse du prix des tests – actuellement facturés 3 000 euros – qui vont pouvoir être accessibles à de plus nombreuses femmes. Une prédisposition génétique est à l’origine de 5 à 10 % des cancers du sein chez la femme. En France, le coût du test est d’environ 1 500 euros. Non inclus la nomenclature, ils ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. Toutefois « ils sont totalement pris en charge par le centre qui réalise le test et qui reçoit une subvention du ministère de la santé », précise le Pr Stoppa-Lyonnet.
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