En 2040, 14,6 % des Français auront 75 ans ou plus et le nombre de personnes âgées en perte d'autonomie va inéluctablement s'accroître.
« Dans les dernières décennies, le nombre de personnes âgées souffrant de polypathologies n'a cessé d'augmenter. Pour y faire face, on a créé des courts, moyens, longs séjours… Et le nombre de lits en EPHAD n'a cessé d'augmenter : il y a 1,5 fois plus de lits de gériatrie en y associant les EHPAD que dans toutes les autres spécialités médicales confondues », explique le Pr Bruno Vellas. Mais cette hausse ne semble pas répondre à l'enjeu car les résidents sont de nos jours très sévèrement dépendants. « Il faut prévenir la dépendance, comme le recommande l'OMS. Mais le problème, en France, réside dans le fait que notre système de santé n'est pas adapté au vieillissement de la population. Créé après la guerre, l'objectif était essentiellement de traiter des pathologies aiguës de l'adulte jeune, alors qu'actuellement, nous devons faire face à des patients âgés souffrant de pathologies chroniques ».
Préserver les cinq fonctions essentielles
Le rapport mondial de l'OMS sur le vieillissement et la santé définit un cadre d'actions pour favoriser le vieillissement en bonne santé, construit autour des capacités intrinsèques (physiques et mentales) permettant à chacun de continuer à faire ce qui est important pour lui. « Vieillir en bonne santé, ce n'est pas ne pas avoir de maladies, mais c'est garder ses fonctions. C'est continuer à être ce que l'on est au fond de soi », précise le Pr Bruno Vellas.
Cinq fonctions ont ainsi été identifiées comme essentielles pour que les personnes âgées restent autonomes le plus longtemps possible : la mobilité, la cognition, la vitalité, le psychosocial et le sensoriel. Il faut dès lors, comme le préconise le rapport « Grand âge et autonomie », développer des actions de prévention ciblée entre 50 -70 ans pour maintenir le plus longtemps possible ces fonctions, puis dès 75 ans, suivre systématiquement et régulièrement l'état de ces cinq fonctions pour préserver ou ralentir leur déclin. Il peut être souvent réversible si on agit tôt.
« C'est une nouvelle démarche pour les professionnels de santé qui doivent être capables d'évaluer, de mesurer et de surveiller ces fonctions. Les nouvelles technologies nous aident. », ajoute le Pr Bruno Vellas.
Transformer le système de santé
Il faut donc ajouter à notre système de santé centré sur les maladies, la notion de maintien de ces fonctions ce qui exige une transformation du système s'éloignant des modèles dits « curatifs », basés sur la maladie pour préconiser la prestation de soins intégrés et centrés sur la personne âgée.
Avec le programme de « Soins intégrés pour les personnes âgées » (Integrated Care for Older People – ICOPE), l'objectif de l'OMS est de diminuer de 15 millions le nombre de personnes âgées dépendantes, d'ici à 2025.
Il faut passer d'une prise en charge de la dépendance à une prévention du risque de perte d'autonomie. « Aujourd'hui, on a su prévenir les infections nosocomiales à l'hôpital. De même, il faut faire la prévention de la dépendance nosocomiale dans les établissements de santé pour personnes âgées car elles peuvent entraîner une perte d'autonomie, chez environ 10 % des personnes de plus de 75 ans hospitalisés. »
La perte d'autonomie n'est pas une fatalité. Il faut sensibiliser et détecter les fragilités des personnes âgées de façon plus précoce. « Il y a de nombreux éléments en faveur de ces changements. Tout d'abord, la prise de conscience de la société en général : nombreux sont ceux qui ont vécu dans leur famille le coût moral et financier de la dépendance. Ils réclament de vieillir en bonne santé. De plus, les personnes âgées de 65-75 ans aujourd'hui, sont en bien meilleur état de santé que leurs aînés », souligne le Pr Bruno Vellas.
Dans ce contexte, le Pr Vellas vient de lancer le projet INSPIRE (Institut pour la prévention, le vieillissement en santé et la médecine réjuvénative) qui repose sur le partenariat entre l'université Toulouse III-Paul Sabatier, le CHU de Toulouse et l'Inserm auxquels s'associent de nombreux partenaires de la région Occitanie/Pyrénées-Méditérranée et l'ARS.
Des approches innovantes vont être développées : nouvelles voies thérapeutiques contre les plaques séniles, recherche sur les cellules-souches, applications internet pour alerter en cas de fragilité liée à la dépendance, apport de l'intelligence artificielle pour l'identification de biomarqueurs prédictifs de perte fonctionnelle…
(1) Centre collaborateur de l'OMS pour la fragilité, la recherche clinique et la formation en gériatrie.
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