Créé en 2014, le parcours des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (Paerpa) a été expérimenté dans neuf territoires pilotes avant d'être étendu. Son objectif : maintenir autonomes le plus longtemps possible dans leur cadre de vie habituel les plus de 75 ans. Les premiers bilans de ce dispositif ont été jugés mitigés. Pour autant, l'expérience s'avère parfois convaincante, comme Le Généraliste a pu l'observer à Paris.
On échange les vœux, on se raconte les vacances de fin d’année. Malgré l’heure très matinale, les participants sont contents de se retrouver au comité professionnel du territoire des 9e, 10e et 19e arrondissements de Paris. Tous les deux mois, les acteurs de terrain intervenant dans le cadre du dispositif Paerpa (personnes âgées en risque de perte d'autonomie), expérimenté depuis fin 2014 dans ces trois arrondissements, font le point. Autour de la table, on retrouve l’ARS mais aussi des représentants de résidence médicalisée, d’hébergement temporaire, d’aides à domicile, de l’hôpital Lariboisière, des professionnels de santé libéraux et de la maison des aînés et des aidants (M2A). Ils vont parler du taux d’occupation en hébergement temporaire pour les aidants, de la réorganisation du secrétariat à la M2A ou encore de l’utilisation des différents outils numériques mis en place dans le cadre du parcours. Ces comités ne sont qu’un volet de la coordination mise en place avec le début de l’expérimentation.
La M2A, pivot du projet
Au départ du projet, figure le souhait du regroupement, pour plus de simplicité et de lisibilité. « Pour les acteurs de terrain et l’ARS, il fallait arrêter de tout cloisonner. Nous avons ainsi fusionné les dispositifs d’appui en gérontologie. Nous avons créé un seul réseau et un numéro unique : ainsi est née la M2A », explique le Dr Aurélie Misme, directrice médicale de la maison des aînés, aujourd’hui pivot du dispositif Paerpa.
Le numéro unique, accessible tous les jours de 9 heures à 19 heures et le samedi matin, permet l’information et l’orientation du grand public, « aussi bien pour savoir s’il y a un hôpital de jour pour les diagnostics de chute que des ateliers de bridge dans tel quartier », détaille le Dr Misme.
Des parcours encore perfectibles
Au premier semestre 2017, la Drees a livré une première évaluation qualitative du dispositif. Elle conclut à « des dynamiques relativement contrastées » selon les territoires mais juge les débuts « très prometteurs ». Les expériences dépendent notamment d’« équipes suffisamment étoffées » et de chefs de projet connaissant le territoire. L’utilisation des plans personnalisés de santé a été très variable. Les systèmes d’information collaboratifs ont subi des « délais très longs » et des « résultats parfois encore insatisfaisants ». La Drees juge aussi que le champ hospitalier « semble résister à une mobilisation (…) au-delà de la gériatrie et des urgences ». C’est l’un des points principaux à améliorer. La direction recommande aussi de revoir les ressources allouées aux coordinations territoriales d'appui et de mobiliser les professionnels libéraux en les contactant quand le projet est en phase de conception ou « mâture pour leur être utile ». Une évaluation quantitative par l’Irdes est attendue au premier semestre 2018.

Mais pour les professionnels de santé, la M2A est surtout un point d'appui à la coordination. Un généraliste qui rencontre un problème médico-social avec un patient peut appeler la maison des aînés et des aidants en soutien. « J’assure le suivi d’une personne âgée qui jusqu’ici se gérait seule, mais dont la situation a changé. Il va peut-être falloir désormais faire intervenir une aide à domicile ou un bilan d’ergothérapie. J’appelle la M2A, je leur explique rapidement le problème et ils prennent directement rendez-vous avec la personne. Ils peuvent venir à domicile pour s’occuper de tout le côté médico-social, les aides, les papiers administratifs, etc. », détaille le Dr Mickaël Riahi, généraliste dans le 19e à Paris. Le médecin traitant estime que le dispositif simplifie le travail de l'omnipraticien. « Tout est centralisé, ce qui facilite les démarches. Dans beaucoup de situations, j’ai pu mettre des choses en place plus rapidement qu’avant, parce que je n’avais pas la surcharge administrative. Les patients en ont bénéficié. » La M2A dispose d’une équipe de gériatres qui peuvent donner des avis aux généralistes ainsi que des psychiatres-gériatres : « C’est intéressant car les personnes âgées sont souvent assez réticentes à aller voir un psychiatre en ville », considère le Dr Riahi. La M2A devient petit à petit un réflexe pour les médecins traitants du secteur : « Quand nous l’avons créé, sur toute l’année précédente, le centre local d’information et de coordination (CLIC) n’avait eu que trois appels par des médecins traitants. Aujourd’hui, ces derniers représentent plus d’un tiers des signalements », explique Aurélie Misme.
Une coordination rémunérée
Outre la M2A, spécifique à l’expérimentation parisienne, le Paerpa a mis en place des outils d’aide à la coordination sur tous les territoires. C’est le cas du plan personnalisé de santé (PPS). Cet outil en ligne s’adresse à au moins deux professionnels d’une coordination clinique de proximité qui prennent en charge un même patient de plus de 75 ans résidant sur un des territoires du Paerpa. En quelques clics, les professionnels élaborent un plan personnalisé avec l’identification des problèmes, les actions à mettre en place, les organismes et intervenants à solliciter. Ils se l’envoient de manière sécurisée par mail, ainsi qu’à la M2A.
Le Dr Riahi et son collègue le Dr Jérôme Bittan ont participé aux groupes de travail pour l’élaboration du PPS. Avant le Paerpa, dans leur pôle de santé ils géraient déjà beaucoup de personnes âgées et de visites. En janvier 2016, ils organisent une grande réunion pour essayer d’intéresser au sujet d’autres professionnels du 19e. « Les paramédicaux étaient très demandeurs, mais nous n’avons pas réuni autant de généralistes que nous l’aurions voulu. C’est difficile de faire changer les habitudes », considère le Dr Riahi, qui note malgré tout des changements positifs. « Cela nous a permis par exemple de connaître des nouveaux kinés spécialisés dans les personnes âgées, et les infirmiers osent un peu plus nous appeler. Les échanges qui existent sont assez intéressants. » Le PPS a donné lieu à une nouvelle rémunération, 60 euros par an et par patient pour le médecin quand il y a deux professionnels, 40 euros quand ils sont trois.
Sur Paris, un autre outil de coordination informatique, LISA, a été créé. Cette plateforme en ligne connecte tous les professionnels qui interviennent autour d’une personne âgée. On y retrouve leurs coordonnées, les actions mises en place et des alertes sont envoyées en cas de modification dans la prise en charge. Dans le cadre du Paerpa, les échanges ont également été facilités avec le service de gériatrie de l’hôpital de référence, Lariboisière. Un numéro est destiné aux médecins de ville pour des avis, hospitalisations ou consultations.
À Paris En Chiffres
Dans les 9e-10e-19e arrondissements, 18 900 personnes âgées (5,6 % de la population) ont inclu le dispositif Paerpa.
1 800 professionnels de santé y participent (dont 305 généralistes, 374 masseurs kinésithérapeutes, 171 infirmiers, 135 pharmaciens).
Les plans personnalisés de santé (PPS) :
- 421 ont été validés entre septembre 2015 et août 2017
- 66 % de femmes. Âge moyen : 84,7 ans
- 1 problème coché dans 48,2 % des cas :
60,8 % problèmes locomoteurs,
34 % troubles psychiques et/ou cognitifs, 30,4 % médicaments,
28 % dépendance
- Demande d’appui à la Maison des aînés et
des aidants dans 28 % des PPS.
La M2A :
- 57 appels par jour au 1er semestre 2017 contre 48 au 2e semestre 2016, et 34/ jour au 1er semestre 2016
- 1 690 personnes aidées en 2017.
Le financement - Crédits du FIR (fonds d’intervention régional) affectés au Paerpa :
- 6 167 180 euros de 2014 à 2017