LE QUOTIDIEN - Le CNR-SDA, Centre national de référence Santé à domicile et autonomie, que vous présidez, a été créé par le ministère de l’Industrie et non de la Santé. Cela peut surprendre.
Pr ALAIN FRANCO - C’est effectivement le ministère de l’Industrie qui a souhaité trouver une solution pour améliorer la performance et la compétitivité économique et industrielle de la filière. C’est son rôle en tant que tutelle d’un grand nombre de secteurs économiques déjà présents dans cette filière : les services à la personne, les professions libérales et les industries de la santé. Innover est indispensable pour trouver des solutions efficaces face à un besoin croissant, entre autre lié au vieillissement de la population, dans une période de moindre disponibilité de ressources et de compétences mobilisables. Telle est la mission essentielle de ce centre de référence : favoriser le développement de tous les maillons de la filière services et produits pour la santé à domicile. On peut dire par exemple que le marché des gérontechnologies est très balkanisé et même quasiment embryonnaire. En tout cas, le contexte actuel ne permet pas l’émergence de ce marché qui est pourtant si porteur, vu le boom démographique.
Cela dit, le CNR est présidé par un professeur en médecine...
Oui, mais c’est presque arrivé par hasard. Certes, cela lui donne une certaine caution sanitaire. Et cela favorise également nos liens avec les instances sanitaires.
Il est effectivement assez atypique que ce CNR n’émane pas du ministère de la Santé. Mais je crois que dans le fond, cette configuration est tout à fait astucieuse. C’est la santé dans sa globalité qui, au final, va en bénéficier, c’est une chance pour elle. Il règne en France un consensus silencieux autour du fait que la santé représente avant tout un coût, au même titre que l’éducation ou la justice. Alors je crois que voir la réalité avec ce prisme, c’est mal appréhender le problème. Il faut sortir de cet archaïsme. Dans l’économie, l’innovation en santé est une chance formidable. De même que l’innovation pour le handicap et le vieillissement. Cela ne devrait pas être vu comme un poids mais comme une belle possibilité de développement ! Comme le CNR-SDA a également ambition à s’inspirer d’initiatives qui viennent de par-delà nos frontières, cela nous ouvre aussi les yeux sur de nombreuses idées intéressantes.
« Nous devons inventer une nouvelle forme d’économie partagée »
Le CNR-SDA a été lancé le 1er décembre 2009. Quelles sont ses premières actions ?
Nous avons accompagné la mission « Vivre chez soi », souhaitée par Nora Berra, la secrétaire d’État chargée des Aînés. Dix-huit mesures ont été préconisées par cette mission afin de mettre en place les conditions d’un vivre chez soi durable pour nos aînés. Nous avons intégré les plus prioritaires dans la feuille de route du CNR-SDA ; celles qui concernent l’habitat, qui doit évoluer, la modernisation des services à la personne et l’usage de nouvelles technologies.
Mais ce CNR-SDA ne risque-t-il pas d’être un nouveau grand machin, une coquille vide ?
Non, pas du tout. Je vois plutôt le CNR-SDA comme un petit machin qui fait de grandes choses. C’est un élément actif de l’État qui prend les choses en main. Il existe en France une forte dichotomie entre la santé et le social. Les différents acteurs se rejettent souvent les responsabilités. Alors, bien sûr, il ne faut pas se tromper de cible : il n’est pas question d’exiger de la part de la Sécu qu’elle finance les e-Phone pour les personnes diabétiques. Mais nous devons inventer une nouvelle forme d’économie partagée, il nous faut trouver des solutions afin de rendre accessibles ces nouveaux services et produits pour faire en sorte de « produire » plus de bien-être, plus de qualité de vie.
Face à ce nouveau défi, nous devons comprendre qu’une France en bonne santé est une France qui est plus légère et qui coûtera moins cher à l’échelle globale. C’est tout un puzzle économique à mettre en place.
La mission « Vivre chez soi » a ouvert des brèches, des pistes. À nous de les explorer et les concrétiser.
Peut-on espérer des applications concrètes dans les... disons 5 années à venir ?
Oh même avant ! D’ici le début de l’année prochaine, certaines de nos actions devraient être mises en route. Nous allons devoir industrialiser (et dans ma bouche, le terme est positif) tout le secteur des soins à domicile, qui, actuellement, fait appel à 99 % de femmes, sans diplômes. Ce secteur manque encore d’organisation. On manque de bras. Il nous faut des professionnels reconnus et fiers de contribuer ainsi à la société. Nous comptons d’ailleurs créer un centre dédié aux compétences professionnelles du domicile. Nous devons mettre un peu d’ordre dans ces carrières.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024