Jérôme Lefrançois se réjouissait de fêter ce dimanche les cent ans de sa mère, pensionnaire d’un EHPAD dans la banlieue de Rouen (Seine-Maritime). Malgré l'assouplissement des conditions de visite depuis quelques jours, il devra se contenter du strict minimum compte tenu des mesures de distanciation encore en vigueur dans certains établissements, dont celui de sa mère, pour limiter les risques de contamination du coronavirus. Un crève-cœur pour lui et sa famille et de la colère face au refus de la direction de l’EHPAD d’assouplir davantage ses règles.
Au-delà de cette situation personnelle, l’ex-généraliste, retraité après une trentaine d’années d’exercice et reconverti dans la formation, s’inquiète des dégâts occasionnés dans les EHPAD durant le confinement par « des mesures drastiques d’enfermement et tous les interdits les accompagnant ». Pas de visite, arrêt des activités, suppression des repas collectifs, isolement dans les chambres… « Malgré des contacts réguliers par Skype, j’ai vu l’état psychologique de ma mère se dégrader considérablement, elle qui est habituellement gaie et aimant échanger avec les autres, confie le Dr Lefrançois. L’isolement sensoriel, l’absence de contacts visuel et tactile, c’est la pire des tortures psychologiques. » La situation est encore plus dramatique pour les résidents atteints de certaines pathologies comme la maladie d’Alzheimer, estime-t-il.
Pour l’ex-médecin, ces dispositions anti-covid se sont traduites en maltraitance sur ces personnes fragiles. « Il est absolument certain que beaucoup de pensionnaires ont été et sont mis en danger de mort, avance Jérôme Lefrançois. Tout ce qui a été mis en place favorise un syndrome de glissement qui les conduit vers la tombe ! »
« Une conduite bureaucratique dénuée de sentiment humain »
Fallait-il renoncer à ces mesures drastiques alors que les personnes âgées étaient particulièrement vulnérables à la maladie ? « Ma conviction en tant que médecin, c’est qu’il ne fallait pas totalement supprimer les visites des familles, mais qu’il fallait les réguler et les organiser, répond Jérôme Lefrançois. Le risque potentiel d’une infection me semble très inférieur au risque certain, lui, de faire glisser ces personnes plus rapidement vers la mort. »
Il fustige l’intransigeance, le jusqu’au-boutisme administratif de certains établissements, leur « obsession de la réglementation ». Évoquant l’EHPAD de sa mère, « la direction a fait preuve d’une conduite bureaucratique dénuée de sentiment humain », se plaint-il. Le bilan de cet établissement plaide pourtant en faveur de la direction : à ce jour, aucun décès lié à Covid-19 n’est à déplorer. « Oui, mais combien de vieux ont dégringolé, combien sont morts ou vont mourir de cette souffrance psychologique ? », interroge Jérôme Lefrançois.
L’ex-généraliste n’est pas le seul à s’inquiéter de cette situation. Un collectif a lancé une pétition « pour un déconfinement humain dans les maisons de retraite » et envoyé une lettre ouverte au président de la République et au ministre de la Santé. Dans ce texte, ses auteurs dénoncent un « enfermement et une atteinte discriminatoire à la liberté et au droit de sociabilité des personnes âgées ainsi que de leurs proches ».
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