Le déploiement en mars 2020 du test HPV pour le dépistage du cancer du col de l’utérus à partir de 30 ans appelait à une mise à jour sur la conduite à tenir en cas de test anormal, les précédentes recommandations 2016 de l’Institut du cancer (Inca) étant définies pour le frottis. C’est désormais chose faite. En tout, 17 nouveaux algorithmes ont été définis par la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV) et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Présentés début janvier au congrès de la SFCPCV, ils seront publiés dans Obstetrics, Gynecology & Infertility début 2025.
Pour rappel, l’algorithme de base proposé dès 2020 indique qu’en cas de test HPV positif avec cytologie réflexe normale, une surveillance par test HPV est programmée à un an. Si ce contrôle revient négatif, le protocole standard s’applique à nouveau avec test HPV à cinq ans. Deuxième cas de figure, si le contrôle à un an reste positif, une colposcopie est nécessaire. Mais qu’en est-il si la cytologie réflexe initiale s’avère anormale ? La conduite à tenir n’avait pas été balisée. Trente-cinq experts sur les 49 mobilisés (gynécologues, virologues, pathologistes) lors des précédentes recommandations ont réactualisé les textes selon la méthode Delphi modifiée.
Pour comprendre les arbres décisionnels, il faut garder à l’esprit que chaque année, grâce à la clairance immunitaire, « la moitié des HPV positifs se négativent », souligne lors d’une conférence de presse la Dr Christine Bergeron, ancienne présidente de la SFCPCV. Sachant par ailleurs que seuls 10 % des tests HPV sont positifs et que parmi eux, seuls 7 % correspondent à une lésion du col (autrement dit 93 % des tests HPV positifs n’ont pas de lésion).
Vigilance en cas de cytologies ASC-H, AGC et HSIL
« L’un des plus gros changements concerne les cytologies Ascus réflexes sur test HPV positif après 30 ans, explique la Dr Christine Bergeron. Une colposcopie reste nécessaire. Si elle est normale, la surveillance à un an repose alors sur un test HPV, et non sur un frottis. S’il est négatif, on repasse à un test HPV tous les cinq ans, comme le dépistage classique. Même stratégie en cas de cytologie réflexe avec lésion de bas grade [LSIL en anglais] ».
Plus de prudence pour les cytologies réflexes ASC-H sur test HPV positif après 30 ans. « C’est une alerte, met en garde l’anatomopathologiste. Si la colposcopie est normale, un test HPV de contrôle est aussi réalisé à un an mais s’il est négatif, le prochain sera réalisé à trois ans et non à cinq ans. » Si la colposcopie est normale mais la jonction non vue, « le test HPV est alors réalisé à six mois. Si celui-ci revient négatif, il est répété à trois ans », insiste-t-elle. À noter que tout HPV qui revient de nouveau positif, quelle que soit l’anomalie cytologique initiale, nécessite une colposcopie de contrôle.
Autre point particulier, les cytologies Ascus ou LSIL sur test HPV positif en cas de grossesse. « Ces anomalies ne sont pas préoccupantes, il ne faut pas inquiéter les femmes mais les informer afin qu’elles fassent un test HPV de contrôle trois à six mois après l’accouchement », indique la Dr Bergeron. Mais en cas de cytologies ASC-H, d’anomalies glandulaires (AGC) ou de lésions de haut grade (HSIL), une colposcopie en cours de grossesse reste nécessaire afin de s’assurer que les lésions ne sont pas évolutives.
Il est recommandé d’attendre 24 mois avant de traiter une lésion de bas grade à la colposcopie
Dr Christine Bergeron, anatomopathologiste
Que faire ensuite en cas de lésion à la colposcopie ? En cas de lésion histologique malpighienne intra-épithéliale de bas grade (LIEBG) après cytologie initiale LSIL ou Ascus, la surveillance est encore de mise à un an, par test HPV après 30 ans et par cytologie avant. « Il ne faut pas traiter tant que la lésion ne persiste pas au-delà de 24 mois », indique-t-elle. En revanche, quand la cytologie initiale était plus inquiétante (ASC-H, AGC ou HSIL), même s’il s’agit à l’histologie d’une lésion intra-épithéliale inférieure ou égale au bas grade, « la vigilance est de mise avec la réalisation d’une cytologie, d’une colposcopie et d’un examen du vagin à six mois », poursuit-elle. Si tous les résultats sont négatifs et concordants, un contrôle (cytologie chez les moins de 30 ans et test HPV après) est réalisé à un an « puis tous les trois ans à vie ».
L’infection HPV questionne le couple
Outre les inquiétudes pour la santé des femmes, la découverte d’un test HPV positif entraîne de nombreuses questions au sein du couple : quand l’infection a-t-elle été contractée ? quels risques pour le partenaire ? comment s’en débarrasser ? La contamination, lors des rapports sexuels, a lieu le plus souvent entre 17 et 25 ans, avec 20 % de femmes infectées chaque année et une clairance d’environ deux ans pour 90 % d’entre elles. « La probabilité d’acquérir tardivement le virus est faible », insiste le Dr Jean-Luc Mergui, président de la Fédération internationale de colposcopie et de prévention des cancers.
Comment s’en défaire ? L’arrêt du tabac facilite la clairance virale et l’efficacité immunitaire. Quant aux traitements chirurgicaux, ils traitent les lésions mais pas l’infection, c’est l’immunité qui s’en charge. Les préservatifs restent peu efficaces en vie réelle (sauf pour une utilisation à 100 % dès le début de la vie sexuelle). Sachant que le risque néoplasique est faible pour les hommes (risque 20 fois moins élevé, hormis pour celui de cancer oropharyngé, trois fois plus élevé que pour les femmes). En cas d’infection par le HPV, « la seule vraie et bonne solution est de proposer une surveillance régulière et prolongée », conclut le Dr Mergui. Un message de longue date que l’Inca relaie récemment dans une campagne d’information.
Que penser de la vaccination à une dose et de l’extension jusqu’à 26 ans ?
La Haute Autorité de santé évalue actuellement deux questions concernant la vaccination contre les HPV : l’extension jusqu’à 26 ans chez les filles (comme cela l’est déjà chez les garçons), à la suite d’une saisine d’une association de patients (Imagyn), et la vaccination à une dose. Pour l’extension, si la mesure permettrait de rétablir une égalité de genre et d’étendre la couverture vaccinale encore insatisfaisante, il reste préférable d’administrer la vaccination tôt (dès 11 ans) car son efficacité baisse dès le début de la vie sexuelle par contamination. Sept pays de l’UE ont élargi la vaccination jusqu’à 25-26 ans et trois au-delà, ainsi que cinq pays hors UE (Australie, Canada, États-Unis, Royaume-Uni, Suisse) jusqu’à 25-26 ans, avec une prise en charge très variable selon les pays. « L’extension jusqu’à 26 ans peut être utile. Mais comme l’efficacité est maximale avant 14 ans, la vaccination au-delà doit rester de l’ordre du rattrapage », insiste la Dr Julia Maruani, gynécologue à Marseille.
Concernant le vaccin à une seule dose, il « permet d'obtenir une protection solide contre les virus qui causent le cancer du col de l'utérus, comparable aux schémas à deux doses », a déclaré l’Organisation mondiale de la santé en 2022. Un schéma à une dose a ainsi été adopté par 37 pays en 2023 (au moins six millions supplémentaires de filles vaccinées dans l’année) et 57 pays en septembre 2024. Et en octobre 2024, l’OMS a préqualifié le Cecolin, un vaccin chinois monodose. « Un faisceau concordant de nombreuses données montrent une diminution de l’infection à HPV et un taux d’anticorps anti-HPV satisfaisants avec une dose, expose le Pr Geoffroy Canlorbe, gynécologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Mais, pour le moment, c’est une extrapolation de dire que le vaccin à une dose protège du cancer, il n’y a pas encore de données qui montrent une baisse des lésions précancéreuses et cancéreuses liées à l’HPV. Pour autant, il y a des raisons de penser que les études pourront en apporter la preuve à l’avenir. »
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