L’information a d’abord été diffusée le 24 mai lors du congrès annuel de l’European Society of Human Genetics à Milan, par une pharmacienne biologiste française, avant d’être confirmée par le gouvernement belge. Cinquante-deux enfants ont été conçus en Belgique entre 2008 et 2017 par l'intermédiaire d'un même donneur de sperme, porteur d'un gène potentiellement cancérogène, a reconnu le ministère belge de la Santé le 31 mai. Au moins 67 enfants en Europe seraient concernés ; parmi eux, dix cas de cancer ont été diagnostiqués depuis, selon une enquête menée par des praticiens européens. Le gouvernement belge n'a pas souhaité indiquer de son côté si des cas de cancers ont été diagnostiqués et combien.
L'alerte a été lancée en 2023 après l'identification de cancers chez certains enfants issus de dons provenant d’un centre au Danemark, la Banque européenne de sperme (European Sperm Bank - ESB). Le donneur en question, un Danois, était en bonne santé lors du recueil de sperme en 2008, n’avait pas d’antécédents familiaux et avait été testé conformément à la réglementation en vigueur. Mais, des années plus tard, la banque de sperme a appris qu’il était porteur d'une forme rare du gène suppresseur de tumeur TP53 (dont les mutations peuvent être oncogènes) et a averti certains parents que les enfants pourraient être à risque du syndrome de Li-Fraumeni (LFS), une maladie héréditaire qui augmente le risque de tumeurs malignes, y compris dans l’enfance.
La règle belge des six receveurs pas respectée
En Belgique, l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé a été alertée dès 2023. Mais le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, assure n'avoir été mis au courant que ce 2 juin. « Cette information aurait pourtant dû être transmise immédiatement au ministre compétent », critiquent ses services.
Dans les centres de fertilité belges, 37 familles sont concernées avec un total de 52 enfants nés entre 2008 et 2017. Certaines ne vivent pas en Belgique. La loi belge stipule pourtant depuis 2007 que les gamètes d'un même donneur ne peuvent être attribués qu'à un maximum de six femmes. « La règle des six femmes a été dépassée au niveau du pays et également au niveau d'un même centre », a regretté le ministère.
Un cadre plus sûr en France
En France, le laboratoire d’Edwige Kasper (CHU Rouen) a été alerté, via un autre clinicien français, du cas d’une femme qui a reçu une lettre de la Banque européenne de sperme, l’alertant de la présence d’un variant de signification inconnue sur le gène TP53 du donneur.
« Les enfants issus de ce donneur devraient pouvoir bénéficier d’un conseil génétique », estime Edwige Kasper, biologiste et spécialiste des prédispositions héréditaires au cancer. En 2024, elle fait part de ce cas lors d’une réunion du réseau européen de référence sur pour les patients présentant un syndrome rare de prédisposition génétique au cancer (Genturis). En parallèle, les différents services de génétique pédiatrique de plusieurs pays européens investiguent leurs propres cas et identifient 67 enfants de 46 familles dans huit pays européens : le variant a été retrouvé chez 23 d’entre eux, dont dix avaient développé un cancer. Selon le ministère belge, sont potentiellement touchés : Bulgarie, Chypre, Allemagne, Espagne, Hongrie, Irlande, Grèce, Pays-Bas et Pologne.
Les enfants repérés ont été surveillés de près. « Le protocole de suivi implique des IRM du corps entier, du cerveau, et pour les adultes, du sein, une échographie de l’abdomen, et un examen clinique par un spécialiste. Un suivi lourd et stressant, mais efficace en ce qu’il a permis la détection précoce des tumeurs, augmentant les chances de survie des patients », a expliqué Edwige Kasper fin mai, lors de l’European Society of Human Genetics. « Sachant que l’exposition de modèles animaux porteurs du syndrome de Li-Fraumeni à de la chimiothérapie ou des rayons X accélère le développement des tumeurs, les enfants concernés doivent éviter les mammographies ou les Pet-scans, si possible », précise-t-elle.
La spécialiste déplore l’absence d’harmonisation des règles du don de gamètes en Europe. « Certaines cliniques ont refusé d’informer les familles au sujet du variant, car elles souhaitaient que les enfants soient testés dans leur propre laboratoire », accuse-t-elle. Le nombre de receveurs d’un don diffère selon les pays : de 10 naissances en France par donneur, il monte à 15 en Allemagne ; au Danemark, le sperme d’un même donneur peut être utilisé par 12 familles, et par 10 au Royaume-Uni.
« Je conseille aux Français de privilégier une procédure d’assistance médicale à la procréation (AMP) en France, où le don est volontaire, anonyme, et gratuit. Certes, cela peut expliquer un décalage entre les demandes et les ressources, mais c’est beaucoup plus sûr », commente la spécialiste. Sans oublier que la surveillance médicale est renforcée pour les donneurs et les receveurs. Et de plaider pour une harmonisation des règles. « Nous avons besoin d’une réglementation adéquate au niveau européen pour empêcher que cela ne se reproduise et garantir une limite mondiale au nombre d’enfants conçus à partir du même donneur », conclut-elle.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024