Un interrogatoire simple, en quelques questions, permet d'identifier les femmes les plus à risque d'endométriose et ainsi de les orienter vers un radiologue expérimenté qui va poser le diagnostic. C'est ce que montre l’équipe du service de chirurgie gynécologique et médecine de la reproduction de l’hôpital Cochin Port-Royal (AP-HP), de l'Université de Paris-Cité et de l’Inserm qui a mis un point un score de risque, déjà intégré au sein de l'application mobile Luna (certifiée CE) et décrit dans « eClinicalMedicine ».
Bien qu'une femme sur dix soit concernée par l'endométriose, le délai avant un diagnostic est souvent de plusieurs années pour cette pathologie qui se caractérise par la présence anormale de tissu endométrial en dehors de la cavité utérine et qui peut engendrer douleurs et infertilité.
« Jusqu’à il y a quelques années, le diagnostic se faisait avec une opération pour avoir une preuve histologique. Aujourd’hui, les modalités du diagnostic ont complètement changé avec l’interrogatoire et la radio », explique au « Quotidien » le Pr Charles Chapron, gynécologue et coordinateur de l'étude, qui détaille cette prise en charge moderne de l'endométriose dans « Nature Reviews Endocrinology ».
Une approche statistique solide
Le score a été obtenu à partir d’une base de données prospective qui inclut des patientes opérées, endométriosiques ou non. « Ce qui nous a permis d'avoir une population témoin dont on est sûre que les femmes n'ont pas d'endométriose », précise le Pr Chapron. Entre 2005 et 2018, 2 527 patientes ont ainsi répondu à un questionnaire préopératoire : 1 195 patientes présentaient une endométriose histologiquement prouvée et 1 332 patientes n'avaient pas d'endométriose à l'exploration chirurgicale (groupe témoin).
« Grâce à un modèle mathématique, nous avons identifié les questions qui permettent d'obtenir des données significativement associées à l’endométriose, avec un poids statistique important », décrit le gynécologue.
Un premier score de risque en dix items a d'abord été développé. La cohorte de validation comprenant deux tiers des patientes a permis d'établir le score, et la validation interne a été réalisée sur le tiers restant des patientes. Une validation externe a également été réalisée à partir d'une cohorte de patientes russes incluant 308 patientes. « Cette approche est très solide sur le plan méthodologique, souligne le Pr Chapron. Il n’existe à ce jour aucun score diagnostique de l’endométriose basé sur le simple interrogatoire avec une validation interne et externe. »
Néanmoins, la moitié des items du score portait sur l'évaluation de la douleur, un critère très subjectif. Pour limiter ce biais, un second score en cinq items a été construit selon la même approche, en excluant les scores de douleur à l'échelle visuelle analogique, à l'exception de celui de la dysménorrhée. C'est donc ce score simplifié qui a été retenu pour une utilisation en pratique, avec une sensibilité de 84 % et une spécificité de 94 %. En plus de la dysménorrhée, il prend en compte les paramètres suivants : les antécédents familiaux d’endométriose, l’existence d’une infertilité primaire, l’indice de masse corporel (IMC) et la durée du cycle.
« Plus le score est élevé, plus le risque d'endométriose est important. Les femmes qui ont un score faible doivent être rassurées mais incitées à parler de leurs douleurs à leur médecin généraliste », détaille le Pr Chapron. Et celles qui présentent un risque intermédiaire sont orientées vers leur gynécologue, tandis que celles qui ont un score élevé le sont vers un centre spécialisé pour confirmer et mieux caractériser l'endométriose. « Ce score va faire gagner un temps considérable aux femmes », estime le gynécologue. Les patientes pourront ensuite bénéficier d'une prise en charge adaptée à leur situation : traitement médical ou chirurgical, ou parcours d'assistance médicale à la procréation (AMP).
Un résultat en quelques minutes
Les patientes peuvent obtenir elles-mêmes leur score en quelques minutes via l'application Luna, à leur domicile ou bien en cabinet en amont d'une consultation. Elles ont également la possibilité d'y intégrer leurs données médicales (traitement). L'application, gratuite, permet aussi aux patientes de suivre leur cycle menstruel et d'intégrer des données concernant leurs douleurs, leur bien-être et leur sexualité. Les patients y trouveront par ailleurs de nombreuses informations validées scientifiquement. « L'application permet ainsi d'aider pour le diagnostic, mais aussi de proposer une éducation thérapeutique aux patientes et de les suivre en fonction de leurs priorités et de leur désir », résume le Pr Chapron.
L'application Luna est disponible depuis novembre. « On compte 16 000 téléchargements depuis, note Charline François, directrice marketing. Les patientes estiment que leur parcours aurait pu être différent si elles avaient eu accès à cette application il y a 10 ans. » Des évolutions de l'application sont en réflexion, notamment pour renforcer la dimension éducation thérapeutique. Une plateforme numérique pour favoriser le lien avec les médecins est par ailleurs d'ores et déjà prévue pour 2022. Selon une analyse sur 2 000 utilisatrices, 62,3 % d'entre elles présentaient un risque élevé d'endométriose.
Récemment, la société française Ziwig a de son côté annoncé les bons résultats de son Endotest, un test salivaire basé sur les microARN qui permet aux patientes d'obtenir un diagnostic en quelques jours à partir d'un kit d'autoprélèvement salivaire, avec une haute performance. L'Endotest bénéficie du marquage CE. Des discussions sont en cours avec les autorités de santé concernant son éventuel remboursement. Olivier Véran a salué ces résultats tout en affirmant que des explorations complémentaires étaient nécessaires.
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