Dans son avis 142 sur le consentement lors des examens gynécologiques, publié ce 29 mars, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) invite à passer d’un consentement « tacite ou présumé » à un consentement « explicite et différencié pour chaque examen pratiqué durant une consultation ».
Saisi par Matignon en juillet 2022 alors que plusieurs plaintes pour viols visant des praticiens avaient fait réagir la profession, le CCNE a complété un précédent avis de 2021 (le 136) sur « l’évolution des enjeux éthiques relatifs au consentement dans le soin », en allant « plus loin », notamment dans le « champ de l’extrême intime », en jeu lors des examens urogénitaux ou ano-rectaux, explique la juriste Karine Lefeuvre, vice-présidente du CCNE et co-rapportrice du nouvel avis.
Des examens « difficiles à subir et complexes à réaliser »
La trentaine d’auditions menées par le CCNE a été effectuée alors qu’il existait un « risque de rupture du dialogue avec une colère des associations et une colère des collèges professionnels », rappelle-t-elle, insistant sur la « recherche du juste équilibre » porté par l’avis sur un sujet « de respect et de considération mutuelle ». Le texte vise ainsi à offrir un « cadre respectueux et sécurisant » pour les patients et les professionnels, ajoute le philosophe Fabrice Gzil, également co-rapporteur.
Ces examens « difficiles à subir et complexes à réaliser », poursuit-il, réclament une « attention redoublée de savoir-être, de précaution et de tact ». Ils nécessitent « une écoute et une considération » de ce qui est exprimé, une « prise en compte de la pudeur et du besoin d’intimité », une « attention à la douleur » (notamment en cas d'endométriose) et enfin une « vigilance » sur le cadre et les conditions concrètes de réalisation de l’examen, liste le philosophe.
L’avis ne se positionne pas en faveur d’un consentement écrit. « Ce n’est pas de nature à restaurer la confiance », juge Fabrice Gzil. Mais, d’un consentement « tacite ou présumé » qui « n’est plus acceptable », les professionnels doivent passer à un consentement « explicite et différencié » à chaque examen. Cette approche suppose une « information préalable » sur le pourquoi de l’examen, sur l’information recherchée, sur son déroulement ou sur les douleurs éventuelles et une prise en compte des réticences ou des refus, indique-t-il.
L’absence de consentement écrit « pousse au dialogue » et l’oralité « permet d’expliquer », estime le Pr Jean-François Delfraissy. Le président du CCNE plaide pour que les soignants ne considèrent jamais le « consentement comme acquis ». Des précautions particulières doivent également être prises « lorsque des élèves ou des étudiants réalisent ou assistent à des examens », est-il précisé.
L’avis ne plaide en revanche pas pour la présence systématique d’un tiers lors des examens, même si cette option reste possible pour les mineures notamment, mais aussi pour les personnes « en situation particulière de vulnérabilité », telles que les personnes en situation de handicap ou les victimes de violences sexuelles. Cette présence peut être à double tranchant : cela « peut être rassurant » ou « être une interférence dans le soin », analyse Fabrice Gzil.
Rétablir la relation de confiance entre soignants et soignés
L’enjeu de cet avis est notamment celui de la confiance entre soignant et soigné, rappelle Karine Lefeuvre, invitant à ne pas « minimiser la parole des femmes ». Un levier de cette confiance relève de la démocratie participative avec une intervention des patients dans la formation des professionnels, mais aussi via des chartes et recommandations des sociétés savantes qui « gagneraient à être co-construites avec les patients », poursuit-elle.
Dans deux recommandations spécifiques aux autorités (ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche), l’avis plaide aussi pour la mise en place des « conditions organisationnelles » nécessaires pour l’application des recommandations du CCNE. Il faut notamment, détaille le Pr Delfraissy, du « temps pour la discussion » et des « locaux adaptés » au respect de la pudeur et de l’intimité, avec par exemple un espace pour se déshabiller.
Le CCNE appelle également à « mieux considérer la formation (des étudiants en médecine, NDLR) aux humanités et à l’éthique du soin », poursuit son président. Ce qui se joue, estime-t-il, c’est la relation entre soignants et patients. Beaucoup de changements et d’innovations se développent « en laissant de côté le temps humain pourtant essentiel », juge-t-il, avant de suggérer que le CCNE pourrait se saisir de cet enjeu de confiance entre professionnels de santé et patients dans un futur avis.
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