Jusqu’à présent, la loi ne fixait aucune limite d’âge du père pour la prise en charge de l'assistance médicale à la procréation (AMP), ne précisant qu’« en âge de procréer ». La seule limite concerne la femme et ne porte que sur la prise en charge par l’Assurance-maladie, qui s’arrête au premier jour de ses 43 ans.
Le projet de loi de bioéthique, en préparation cette année, précise que « les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation seront fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’agence de biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître. »
Un sujet longtemps tabou
L’âge du candidat à la paternité a longtemps été un sujet tabou, il suffit de comparer le nombre d’articles liés à l’effet néfaste de l’âge paternel à celui sur l’âge maternel dans pubmed pour s’en rendre compte !
L’effet néfaste de l’âge de l’homme sur la fertilité, tant spontanée qu’assistée, est pourtant désormais bien démontré. Avec l’âge, le volume de l’éjaculat diminue (après 50 ans), de même que le nombre de spermatozoïdes (à partir de 41 ans), leur mobilité (plus net après 50 ans) et leur survie ; l’effet sur la morphologie est plus discuté. La fragmentation de l’ADN et les aneuploïdies augmentent. Le délai pour concevoir est allongé et le taux de fausses couches augmenté. La majorité des études montrent un effet délétère de l’âge paternel sur les résultats de l’AMP, que ce soit en insémination ou en FIV/ICSI intraconjugale.
Un effet néfaste sur la mère gestante a également été démontré : augmentations des morts in utero, de la prématurité, du diabète gestationnel et des césariennes !
L’âge paternel intervient aussi sur l’embryon, une métaanalyse des données des pays nordiques révèle une petite mais significative augmentation des trisomies 21 dès 40 ans, déjà connue après 50 ans. Une augmentation, faible en valeur absolue mais significative, des pathologies de l’enfant a été démontrée : à partir des 40 ans du père, un risque d’épilepsie, de cancer du sein, de leucémies et de tumeurs du système nerveux central ; à partir de 45 ans, risque de rétinoblastome ; à partir de 50 ans, risque de syndromes de Klinefelter, d’Apert, de Pfeiffer, de Crouzon, d’achondroplasie et de neurofibromatose de type 1. Enfin, l’âge paternel a une incidence sur l’augmentation de la prévalence des troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant.
Les explications peuvent être variées et s’associer : âge de la mère, génétique, épigénétique et interactions père enfant dues à son âge et son passé ainsi que facteurs environnementaux.
Une limite mais pas une interdiction
Toutes ces données commençant à être connues et diffusées, il n’est donc pas illogique de s’interroger sur une limite d’âge de l’AMP pour l’homme ! En 2017, le conseil d’orientation de l’agence de biomédecine l'avait fixé à 60 ans, limite que beaucoup de centres d’AMP s’étaient spontanément donnée. Cette année, afin d’actualiser son avis, l’agence a interrogé les sociétés savantes. Le CNGOF a consulté ses membres et les gynécologues et/ou obstétriciens français.
Compte tenu des données actuelles de la littérature démontrant l’effet néfaste de l’âge paternel, les professionnels interrogés sont majoritairement (64 %) pour une limite d’âge pour l’homme dans la prise en charge par l’Assurance-maladie (60 ans) mais demandent qu’elle ne soit pas inscrite dans la loi. L'accès à l’AMP sera donc à la charge des couples dont l’homme a plus de 60 ans, après avoir été dûment informés des risques.
Il n’y a pas d’accord sur l’âge maximal raisonnable pour être père : 50 ans pour 24 % des répondants, 55 ans pour 22,7 %, 60 ans pour 27 %, 65 ans et au-delà pour 16,5 %.
À l’heure où ces lignes sont écrites, on ignore si la limite portera, comme actuellement, sur la prise en charge financière ou s’il s’agira d’une interdiction absolue, ce qui soulèverait beaucoup de réactions !
Exergue : Résultats de l’AMP, santé de l’enfant comme de la mère sont affectés par la procréation masculine tardive
*Présidente du CNGOF **Secrétaire général du CNGOF pour la Gynécologie Médicale Robin G., Belaisch-Allart J., Boitrelle F. Le retard à la procréation chez l’homme : conséquences sur la fertilité, sur les résultats en assistance médicale à la procréation et sur la santé des enfants. Médecine de la Reproduction 2019;21:249 Halvaei I, Litzky J, Esfandiari N. Advanced paternal age : effects on sperm parameters, assisted reproduction outcomes and offspring health. Reprod Biol Endocrinol 2020(18):110
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