Alors que Jean Castex a annoncé la fin de l'obligation du port de masque en extérieur à compter de ce jeudi 17 juin, l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes a fait le point sur les différents modes de transmission du SARS-CoV-2. Si la transmission du virus est bien moindre en extérieur qu'en intérieur, les scientifiques appellent à ne pas relâcher la vigilance, en particulier à l'approche de la fête de la musique.
D'après l'étude Comcor*, démarrée en octobre et portant sur les lieux de contamination, les endroits où le masque est porté, comme les transports en commun ou les commerces, ne sont pas apparus comme des lieux à surrisque de contamination, a rapporté le Pr Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur. Les réunions privées se sont également révélées moins à risque à partir de Noël, ce qui pourrait être lié à l'efficacité des messages de prévention, estime l'épidémiologiste. Les lieux à risque sont en revanche les lieux clos où le port du masque n'est pas systématique, comme les bars, les restaurants, les salles de sport ou encore les voitures partagées (covoiturage). Les circonstances et lieux de contamination ne semblent pas différents d'un variant à l'autre.
Le virus peut rester 8 heures sur la peau
Le Dr Gabriel Birgand, pharmacien hygiéniste au CHU de Nantes, a rappelé les principaux modes de transmission du SARS-CoV-2 : directe par les gouttelettes à courte distance, par contact entre une personne infectée et une autre susceptible de l'être mais aussi par les aérosols ; ou indirecte via l'environnement.
Plusieurs facteurs peuvent influencer la transmission directe à distance : charge virale de la source, force de l'émission respiratoire, distance entre les individus, durée d'exposition, aération… C'est aussi le cas pour le port ou non du masque et son ajustement, la protection oculaire ainsi que le statut immunitaire de la personne exposée. L'effet de la vaccination n'est toutefois pas encore bien défini, mais « on commence à avoir un faisceau d'arguments concordants vers la diminution de la transmission chez les personnes vaccinées », souligne le Dr Birgand.
La transmission par contact direct se fait principalement par le manuportage, ce qui souligne l'importance de l'hygiène des mains et la nécessité d'être vigilant sur le fait de porter ses mains au visage, alors que la transmission par la conjonctive oculaire pourrait être une porte d'entrée du virus. « Le SARS-CoV-2 peut perdurer jusqu'à 8 heures sur la peau en l'absence de toute intervention selon une étude, mais l'efficacité de la friction hydroalcoolique est immédiate », note le praticien nantais.
Concernant la transmission indirecte, la part de contamination par le biais des surfaces demeure inconnue. « D'un point de vue expérimental, nous savons que la survie du virus est réduite de 90 % au-delà de 24 heures et qu'elle est meilleure sur les surfaces lisses que sur les surfaces poreuses », résume le Dr Birgand, précisant qu'en vie réelle les données concernant la présence d'ARN viral sur les surfaces sont très variables. D'autres modes de transmission sont possibles : materno-fœtale et, de manière plus marginale, par les liquides biologiques (probabilité très faible).
Les aérosols atteignent les alvéoles pulmonaires
Benoît Semin, chercheur en physique à l'ESPCI Paris, a par ailleurs distingué la transmission par les gouttelettes de grande taille qui vont vite retomber (postillons) de celle par des aérosols, invisibles et restant en suspension dans l'air. « Tout le monde émet des aérosols, même quand on ne parle pas », précise-t-il. La concentration d'aérosols la plus élevée se trouve proche de la personne qui les émet, mais les aérosols peuvent se répandre dans toute une salle. « Les aérosols sont très dilués : quand on parle, cela représente un aérosol par cm3, mais cela suffit à contaminer une autre personne qui va inhaler l'air, souligne le physicien. Ces aérosols peuvent se déposer de manière très efficace dans les voies respiratoires, les plus petits pouvant atteindre les alvéoles pulmonaires. »
D'après Benoît Semin, cette transmission à distance via les aérosols a pu être mise en évidence par des études sur des animaux (mis dans des cages séparées) et l'analyse de clusters révélant des contaminations entre personnes situées à distance dans un restaurant par exemple.
Apporter de l'air extérieur pour diluer les aérosols
Pour lutter contre ce mode de transmission, sont ainsi recommandés la distanciation et le port d'un masque bien ajusté (collé à la peau), qui limite à la fois l'émission et l'inhalation des aérosols. L'aération et la ventilation sont par ailleurs essentielles afin de « renouveler l'air d'une pièce avec de l'air extérieur pour diluer les aérosols », explique le physicien. « Une manière quantitative d'évaluer la qualité de la ventilation est d'utiliser les capteurs de CO2, mais malheureusement il y a beaucoup de capteurs défectueux sur le marché », poursuit-il.
Le Haut Conseil de la santé publique recommande de ne pas dépasser 800 ppm en CO2 (soit 0,08 %) en intérieur quand toutes les personnes présentes portent le masque. « En termes d'apport d'air extérieur, pour les personnes adultes au repos, cela représente 47 m3 d'air frais par heure et par personne. C'est tout à fait réalisable », ajoute Benoît Semin, précisant que le fait de bien ventiler permet de diminuer de 35 % le risque de Covid et de 48 % avec la filtration en plus. Concernant le rôle de la climatisation, « cela dépend si un système de filtration y est intégré et s'il y a un système d'apport de l'air extérieur », souligne le chercheur.
Un autre moyen potentiel de limiter la transmission par les aérosols est la filtration HEPA (High Efficiency Particulate Air). « C'est prometteur mais pour l'instant il y a peu d'études en vie réelle, et ce n'est pas destiné à remplacer l'aération mais à être un complément », complète le physicien.
« De nombreuses maladies ont une composante aérosols, comme la grippe, la tuberculose et le SARS-CoV-1, et surtout de très nombreuses maladies chez les animaux. Or on sait qu'il y a beaucoup de maladies émergentes qui viennent des animaux. Continuer à étudier ce mode de transmission est donc particulièrement important », conclut Benoît Semin.
* Étude menée par l'Institut Pasteur, en partenariat avec la Caisse nationale de l’Assurance-maladie (Cnam), Santé publique France, et l’institut Ipsos
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