Dans une tribune adressée au Monde du 15 avril 2020, Éric Caumes et Mathurin Maillet (infectiologues à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris, Ndlr) présentent la situation actuelle en lien avec le Covid 19 comme « la démonstration flagrante de l’existence d’un Biopouvoir d’ampleur planétaire ». Cette situation relèverait de la puissance du corps médical, partagé par la société, qui ne désirerait plus voir la mort en face et n’accepterait donc pas une surmortalité en temps d’épidémie de grippe.
Mais est-ce vraiment cela ? Cette crise ne révélerait-elle pas au contraire, l’effondrement du Biopouvoir entrevu à l’aulne du XXe siècle et ses contradictions ? Le feuilleton de l’hydroxychloroquine, la diversité des opinions parmi les épidémiologistes sur la nécessité du confinement et sa durée, la diversité et l’évolution des législations mondiales sur la façon de traiter des corps des patients et l’accueil de leurs proches, ne sont que quelques-uns des débats qui peuvent faire réfléchir les citoyens, et hésiter les politiques, sur la confiance à accorder au corps de santé.
Les prémices avec l'invention de la télévision
La réponse est ailleurs. Nous sommes rentrés avec cette crise dans l’ère du Médiapouvoir dont les prémisses sont à rechercher avec l’invention de la télévision il y a presque 100 ans et dont le pouvoir lors d’élections « démocratiques » nous a déjà alertés. Aujourd’hui, ce qui déclenche les réactions et les prises de décisions politiques, c’est ce qui est présenté, plus que rapporté, par les médias.
Le décompte des morts lié au Covid 19 – non mis en perspective parmi les autres causes de mortalité —, les mesures de confinement mises en place dans certains États par des politiques et largement diffusés, semblent plus le moteur de la situation actuelle, que le pouvoir des médecins ou des chercheurs. Des confinements comme en Inde et dans certains pays africains, relèvent plus des médias occidentaux et d’un « modèle » à suivre, que des conseils avisés donnés par des médecins. Ne leur faisons pas porter, comme le rappellent si bien Éric Caumes et Mathurin Maillet, le nombre de vies incalculable qui souffre déjà et qui va périr en raison des effets secondaires de cette crise sanitaire.
On peut espérer qu’après la crise actuelle, les gouvernements réalisent tout l’intérêt qu’il y aurait à avoir une politique de santé et de recherche renouvelée afin que les scientifiques et le corps de santé permettent aux politiques de prendre des décisions qui s’appuient sur une expertise plus partagée, des capacités accrues afin que les gouvernants puissent infléchir et/ou s’affranchir de ce Médiapouvoir auquel ils sont soumis.
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EXERGUE : Aujourd’hui, ce qui déclenche les réactions et les prises de décisions politiques, c’est ce qui est présenté, plus que rapporté, par les médias.
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