Une atteinte cardiaque marquée par une augmentation de la troponine I a été retrouvée chez environ 20% des patients atteints par le Covid-19 (5) et représente un facteur de mauvais pronostic. Le pic de troponine I et de NT-pro BNP survient une semaine avant le décès des patients. Plusieurs explications ont été proposées :
1) l’âge avancé des patients,
2) la réponse immunitaire et inflammatoire, notamment l’orage cytokinique : les rares études histologiques de cœurs de patients décédés du Covid montrent un aspect compatible avec une myocardite virale débutante (abondance des cellules inflammatoires des lymphocytes),
3) l’état de choc et l’hypoxémie sévère capables de déstabiliser une cardiopathie ischémique.
Rôle déterminant de la protéine ACE2
Il existe une autre explication potentielle à l’association Covid-19 et maladies cardiovasculaires. Le virus SARS-CoV2, beaucoup plus que les autres SARS-CoV, s’accroche à la protéine l’ACE2 (Angiotensin Converting Enzyme Type II), une enzyme enchâssée dans la membrane plasmique. Celle-ci converti l’angiotensine II en angiotensine 1-7, un peptide aux effets anti-fibrosants, anti-inflammatoires et vasodilatateurs. La protéine ACE2 peut être soit internalisée après clivage par la protéase TMPRS2 puis endocytée, soit détachée (« shedding ») de la membrane après clivage par la protéase ADAM 17 (elle-même activée par le récepteur à l’angiotensine II) puis devenir circulante et plasmatique. Le premier mécanisme d’endocytose constitue une porte d’entrée cellulaire pour le Covid-19, à l’inverse, le second empêcherait son entrée. Les cellules du système cardiovasculaire expriment fortement ACE2, notamment les cardiomyocytes, les péricytes et les cellules endothéliales. Cependant, les conséquences de l’entrée du virus dans les cellules myocardiques sont toujours inconnues. L’expression d’ACE2 est augmentée par les traitements bloquant le système rénine-angiotensine, l’insuffisance cardiaque et l’hypertension. Mais l’effet de cette surexpression sur l’infection n’a pas été découvert. Il existe aussi des polymorphismes génétiques de l’ACE2 chez les patients hypertendus (6).
L’affinité du Covid-19 pour le cœur et les vaisseaux pourrait aussi être liée à la convertase furine. Exprimée dans les lymphocytes T, celle-ci clive spécifiquement SARS-CoV-2, permettant son entrée cellulaire. Son activité est augmentée chez l’insuffisant cardiaque (elle clive le proBNP en BPNP actif). D’autre part, la voie de signalisation Notch régule l’homéostasie du système cardiovasculaire et est nécessaire à la réplication virale. Ces mécanismes sont autant de cibles thérapeutiques potentielles contre l’infection Covid-19.
Tissu adipeux, foie et intestin
Le tissu adipeux, source de cytokines inflammatoires, pourrait aussi être impliqué. En effet, il exprime fortement l’ACE2, notamment chez les patients obèses. Enchâssée dans la membrane des adipocytes, la protéine dipeptidyl peptidase 4 (DPP4), qui régule l’activité de la glucagon like peptide -1 (GLP-1), est associée au diabète de type 2. Mais elle est aussi un site de fixation pour le SARS-CoV2 !
Enfin, le foie aussi pourrait intervenir. Une atteinte hépatique est décrite chez 14% à 50% des patients contaminés. Il s’agit généralement d’une cytolyse minime à modérée, plus rarement d’un syndrome de cholestase. Certaines études ont montré que l’atteinte hépatique est un facteur prédictif de sévérité du Covid-19 (1). Néanmoins, les cas sévères d’atteinte hépatique sont rares. Ils sont souvent associés à un tableau d’insuffisance multi-organes et une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), secondaire à l’activation de la cascade de coagulation et de la fibrinolyse (7). Le mécanisme de l’atteinte hépatique reste incertain et très probablement plurifactoriel : prise de médicaments (paracétamol, antibiotiques ou antiviraux), hypoxie hépatique, maladie hépatique préexistante, syndrome inflammatoire et relargage massif de cytokines (IL-6, IL-2, TNF-a). Un effet cytotoxique direct du virus semble peu probable car les récepteurs ACE2 sont peu abondants au niveau hépatique et surtout exprimés au niveau des cholangiocytes. De plus, l’analyse des biopsies hépatiques ne montre pas de lésions biliaires (8). Malgré une résistance à l’insuline, une surexpression des récepteurs ACE2 et une augmentation de la production des cytokines associés à la NAFLD (stéatopathie métabolique du foie), un lien direct entre la NAFLD et la sévérité du Covid-19 reste à démontrer (9).
Les récepteurs ACE2 sont exprimés abondamment au niveau de l’intestin grêle, d’où les symptômes gastro-intestinaux lors de l’infection, la présence du virus dans les fèces et la potentielle transmission oro-fécale (10).
Ainsi, cette relation étroite entre SARS-CoV2 et les pathologies cardio-métaboliques pourrait, au-delà du pic de la pandémie, avoir des conséquences lourdes sur l’histoire clinique de ces maladies chroniques.
Institute de recherche sur les maladies cardiométaboliques et de la nutrition, IHU ICAN, Sorbonne Université, Paris, France
(1) Guan WJ et al. N Engl J Med 2020.
(2) Xie J et al. JAMA Netw Open 2020;3:e205619.
(3) Onder G et al. Jama 23 mars 2020. doi:10.1001/jama.2020.4683
(4) Richardson S et al. Jama 22 avril 2020. doi:10.1001/jama.2020.6775.
(5) Zhou F et al. Lancet 2020;395:1054-1062.
(6) Akhmerov A et al. Circ Res. 2020 Apr 7. doi: 10.1161/CIRCRESAHA.120.317055.
(7) Giannis D et al. J Clin Virol 2020;127:104362.
(8) Méndez-Sánchez N et al. J Clin Transl Hepatol 2020;8:0024.
(9) Ji D et al. J Hepatol 2020;Apr 8;S0168-8278(20)30206-3.doi: 10.1016/j.jhep.2020.03.044.
(10) Cheung KS et al. Gastroenterology 2020;Apr 3;S0016-5085(20)30448-0.doi: 10.1053/j.gastro.2020.03.065.
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