Covid-19 : la transmission entre l'Homme et les animaux de compagnie est peu probable, selon des chercheurs français

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Publié le 20/04/2020

Crédit photo : PHANIE

Les animaux de compagnies sont-ils susceptibles d'être infectés et de transmettre le SARS-CoV-2 ? Peu probablement, selon une première étude issue de la collaboration entre les chercheurs de l'institut Pasteur et l’école nationale vétérinaire d’Alfort. Ces derniers ont testé plusieurs chats et chiens ayant été en contact étroit avec des humains testés positifs au SARS-CoV-2 ou présentant des signes cliniques de la maladie COVID-19. Aucun animal de cette étude n'était porteur du virus.

La question du rôle des animaux domestiques dans la propagation du SARS-CoV 2 est importante. Les coronavirus sont organisés en quatre genres : alphaCoV, betaCoV, gammaCoV et deltaCoV. Des alphaCoV et deltaCoV sont présents chez le porc, tandis que gammaCoV infectent fréquemment les oiseaux sauvages et d'élevage. Chez le chat, le coronavirus félin (FCoV), responsable de la péritonite infectieuse féline, appartient au genre αCoV, tandis que chez le chien, deux coronavirus sont décrits : le coronavirus entérique canin appartenant au genre alphaCoV et le coronavirus respiratoire canin appartenant au genre betaCoV. Or, les coronavirus humains connus à ce jour appartiennent eux aussi aux genres alphaCoV et betaCoV.

En dehors des animaux déjà identifiés comme étant des réservoirs (le pangolin et la chauve-souris) certaines transmissions ponctuelles entre l'Homme et des animaux de compagnies ont été documentées. Au début du mois d'avril, une femelle tigre du zoo de New York avait ainsi été contrôlée positive au SARS-CoV-2. L'animal avait présenté des signes cliniques respiratoires le 27 mars 2020. Trois autres tigres et trois lions ont présenté des signes cliniques (toux sèche et difficultés respiratoires) mais n'ont pas fait l’objet de prélèvements.

Le 18 mars 2020, un chat appartenant à une personne atteinte du Covid-19 a été testé positif au SARS-CoV-2 en Belgique. La présence de l’ARN viral du virus SARS-CoV2 a été mise en évidence dans les matières fécales et les vomissures du chat qui présentait des signes cliniques digestifs et respiratoires. « Pour qu'un animal soit contaminant, il faut qu'il excrète du virus en quantité suffisante et pendant une durée prolongée », explique Marc Eloit, responsable du laboratoire Découverte de Pathogènes de l'institut Pasteur qui a dirigé l'étude. C'était le cas en Belgique selon les conclusions de l’agence fédérale belge pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Deux autres cas de chiens contrôlés positifs pour le SARS-CoV-2 à Hong Kong n'ont en revanche pas permis de conclure à des infections productives.

PCR et tests immunologiques

Dans un texte diffusé via le site de prépublication bioRxiv, les chercheurs de l'institut Pasteur ont testé, par PCR et par test sérologique (anticorps dirigés contre le domaine S1 de la protéine Spike S et contre l'extrémité C-terminale de la nucléoprotéine virale), 21 animaux domestiques (9 chats et 12 chiens) vivant en contact très étroit avec 18 étudiants de l'école vétérinaire d'Alfort appartenant à un cluster de cas (2 cas confirmés et 9 autres étudiants présentant des symptômes mais non testés). Bien que quelques animaux aient présenté quelques signes cliniques compatibles avec une infection à coronavirus, aucun animal n’a été testé positif pour le SARS-CoV-2 malgré leur forte proximité avec leurs propriétaires : 100 % des propriétaires de chat et 33 % des propriétaires de chiens dormaient avec leur animal, tandis que 78 % des propriétaires de chat et 92 % des propriétaires de chiens se laissent lécher le visage.

« Ces premières données sont préliminaires et peuvent permettre une meilleure évaluation de la gamme d'hôtes du SARS-CoV-2 dans des conditions d'exposition en milieu naturel », expliquent les auteurs. De tels résultats suggèrent que le virus SARS-CoV-2 infecte plus difficilement les animaux que l'Homme, même quand ces derniers sont en contact avec des propriétaires infectés.

Félins et furets en ligne de mire

Les chercheurs prédisent que davantage d'études seront nécessaires pour caractériser avec précision le rôle possible des animaux de compagnie, et en particulier des félins, en tant qu’hôte intermédiaire vecteur du SARS-CoV-2. L'attention portée aux félins est justifiée par des expériences d'inoculation menées à l'institut de recherche vétérinaire de Harbin, en Chine. Les chercheurs avaient démontré qu'à la suite d'une introduction du SARS-CoV-2 par voie parentérale, ce dernier se répliquait difficilement chez les porcs, chiens, poulets et canards, mais beaucoup plus efficacement chez les chats et les furets. « L'infection est donc possible dans un cadre expérimental, analyse Marc Eloit, mais pour l'instant, les données indiquent qu'elle est beaucoup moins efficace lors d'une exposition prolongée avec des patients sur le lieu de vie des animaux. »

L'étude menée par les chercheurs de Pasteur ne dispose que d'un effectif réduit. Marc Eloit espère pouvoir remédier à cette limitation à l'aide d'une collaboration avec plusieurs zoos français, à commencer par celui de Vincennes, ainsi qu'avec l'aide des vétérinaires de la région parisienne chargés de faire remonter tous les cas suspects chez des chats et les furets. Et le chercheur d'ajouter : « Nous n'avons que peu de remontées de terrain pour l'instant, malgré le fort suivi médical de ces animaux et la motivation des vétérinaires, ce qui est un indice supplémentaire en faveur d'un faible risque de transmission. »

L'ANSES se veut rassurante

En l'état actuel des données disponibles, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (anses) estime toutefois dans un avis publié ce lundi 20 avril qu’il n'existe actuellement aucune preuve scientifique montrant que les animaux domestiques (animaux d’élevage et de compagnie) jouent un rôle épidémiologique dans la diffusion du SARS-CoV-2.

Bien que le SARS-CoV-2 soit d’origine animale, le Groupe d’expertise collectif d’urgence (GECU) « Covid-19 » de l'ANSES estime que la transmission du SARS-CoV-2 de l’Homme une espèce animale domestique « ne peut pas être totalement exclue mais qu’une adaptation à celle-ci, semble actuellement peu probable »


Source : lequotidiendumedecin.fr