Les obstacles à la prise en charge des personnes âgées n’ont pas été les mêmes lors des deux confinements. Avec un « black-out » total lors du premier, il a été difficile de faire venir ou revenir les professionnels de santé en EHPAD. Les limites venaient des institutions : les ordres et contre-ordres se succédaient avec parfois des obstacles, pour les infirmières ou les médecins non référents et des blocages financiers au niveau de la CPAM ou de l’ARS, tardivement et partiellement levés. La méconnaissance et les craintes suscitées par le SARS-CoV-2 rebutaient les professionnels de santé qui redoutaient de contaminer leurs patients, déjà réticents à consulter.
Ces obstacles institutionnels se sont plus ou moins résorbés lors de la deuxième vague. La grande difficulté est venue de l’épidémie. Après l’Ile-de-France et le Grand Est, d’autres régions ont été violemment touchées dans les EHPAD. « Dans notre agglomération, on a eu jusqu’à 43 foyers d’épidémie en EHPAD alors que la filière gérontologie en comprend 48. La situation est vite devenue explosive et, là encore, on a été confronté au manque cruel de renforts dans les EHPAD puisque le déficit chronique de professionnels a été aggravé par le nombre de soignants touchés par le Covid », constate le Pr Gaëtan Gavazzi (CHU de Grenoble). Les institutions nationales et l’ARS ont apporté peu de réponses, et les médecins coordonnateurs sont restés très isolés.
La maladie du confinement
« Sur le plan territorial, nous avons beaucoup travaillé avec le Conseil national de l’Ordre des médecins. La hotline gériatrique mise en place a permis de répondre aux besoins des personnes hospitalisées, mais la prise en charge dans les EHPAD est restée extrêmement compliquée. Que ce soit pour la première ou la deuxième vague, il y a probablement des décès qui n’ont pas été directement liés à l’infection par le SARS-CoV-2 mais au contexte Covid. Quelques publications commencent à sortir sur le sujet, mais on aimerait que les pouvoirs publics fassent la lumière sur la surmortalité dans les EHPAD et ses causes réelles. Nous avons tous des exemples de patients d’EHPAD hospitalisés par exemple pour des déshydratations majeures, mais on souhaiterait disposer de données chiffrées avec de grandes enquêtes nationales sur la morbidité hors Covid ». On commence à entrevoir les conséquences de la « maladie du confinement », avec par exemple un nombre de fractures du col en juillet, bien plus élevé que d’habitude à cette époque, chez des personnes âgées qui chutaient en recommençant à marcher après plusieurs mois d’immobilité.
Une vaccination laborieuse
La campagne de vaccination a été compliquée à mettre en place, avec un manque de mobilisation des médecins libéraux. La médecine libérale n’est pas organisée en France pour répondre à des besoins aigus massifs et ne s’est pas engagée pour aller vacciner dans les EHPAD et les résidences-autonomie. Actuellement, on atteint péniblement la fin de la vaccination dans ces établissements (1,2 million de personnes), et encore pas partout en France alors qu’on a déjà administré trois fois plus de doses, quatre millions en tout. Clairement, la logistique n’a pas été dirigée correctement par le gouvernement et les ARS, allongeant les délais de vaccination avec des épidémies survenant parfois dans les EHPAD cinq à six jours après la vaccination. Les choix stratégiques n’ont pas été optimaux, et nous avons dû faire passer dans notre zone plus de 24 EHPAD du flux A au flux B, sans quoi la majorité des résidents n’auraient reçu la première dose qu’au mieux fin janvier. L’organisation de ces flux était bien différente. Les flux A dépendaient de Santé publique France, qui livrait une fois par semaine en imposant ses dates à des pharmacies qui devaient elles-mêmes contacter les EHPAD pour leur livrer les vaccins, sans leur laisser la possibilité de s’adapter. Quant aux flux B, ils dépendaient des 100 grands établissements équipés de frigos à - 80° qui pouvaient organiser la vaccination avec les équipes mobiles ou les professionnels des EHPAD, leur permettant de caler les dates sur leurs propres organisations. Pour les résidences-autonomie, dépendant uniquement du flux B, les choses ont pu s’organiser rapidement dès l’accord de l’ARS (mi-janvier) en trois semaines grâce aux équipes mobiles du conseil départemental et du CHU.
La problématique essentielle vient du vaccin lui-même, compliqué à transporter, conserver et à distribuer, inadapté à la médecine de ville. Il suppose une organisation stricte, un personnel habitué, une bonne gestion des 5, 6 voire 7 doses par flacon, et de faire face à de nombreux aspects techniques qui n'ont pas été anticipés. Pour vacciner 60 à 80 résidents d’EHPAD dans la journée, il faut un médecin, une infirmière, deux aides-soignantes. Il faut aussi pouvoir faire venir les gens, les surveiller après durant 15 minutes et assurer la sécurité post-vaccinale en les enregistrant sur Vaccin Covid. Ce qui a rendu indispensable le recours à l’hôpital et à ses équipes mobiles, faute de liens suffisamment établis par les ARS avec les médecins coordonnateurs ou les directeurs d’EHPAD et de résidences autonomie.
D’après un entretien avec le Pr Gaëtan Gavazzi, gériatrie au CHU de Grenoble
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