En tant que citoyens, nous ne pouvons qu’être révoltés par la décision du gouvernement de faire passer en force la réforme pour la privatisation universelle des retraites via le 49.3. Le principe de précaution devrait s’appliquer aussi aux gouvernants et à leurs décisions politiques. Ce projet de loi injuste est décrié par la majorité de la population française depuis des mois. Il a donné lieu à de nombreuses manifestations et de multiples rassemblements. Dès lors, comment ne pas penser que cette décision de 49.3 va donner lieu à des mobilisations dans la continuité des précédentes, intensifiées et radicalisées ?
Il est inadmissible voire criminel de priver la démocratie de contre-pouvoirs : celui du Parlement, celui des corps intermédiaires, celui de la société, celui que représente la rue. En faisant passer, « en même temps » que ce 49.3 une interdiction de rassemblement de plus de 5 000 personnes, la logique est claire : museler fermement la contestation de cette réforme. Cette façon de faire est dangereuse car un tel mépris du peuple et un tel déni de démocratie pourraient bien se révéler contre-productifs et multiplier au contraire des actes de contestation diversifiés et de plus en plus radicaux, avec, en face, une répression elle aussi toujours plus radicale. Il est dangereux pour tout le monde d’ériger les abus de pouvoirs en pratique usuelle.
La démocratie, première victime de l'épidémie ?
La nécessaire organisation à mettre en place pour faire face à l’épidémie de coronavirus est ici doublement instrumentalisée : une première fois pour fournir l’espace de discussion où se décrète le 49.3, et une seconde fois lorsque, sous prétexte sanitaire, les grands rassemblements sont interdits pour éviter la transmission du virus. La démocratie sera-t-elle une des victimes françaises du COVID-19 ?
Nous observons bien qu’il s’agit de décisions politiques qui se déploient sous nos yeux. Et nous comprenons bien que le « débat » démocratique, sur un sujet aussi important que nos conditions de vie après nos années de travail, est devenu un mot creux synonyme d’acquiescement docile.
En tant que soignants, en tant que médecins, nous nous posons la question de savoir s’il n’est pas criminel, alors même que l’hôpital public est en cours de destruction, d’imposer une charge supplémentaire aux soignants et aux patients : celle des futurs blessés des manifestations à venir, des futurs mutilés, de tous les traumatisés physiques et psychiques à venir ?
Comble du sordide, l’agenda de ce pouvoir abusif se télescope avec celui de la promotion, dans le monde du cinéma, d’un cinéaste fortement suspect d’abus sexuels et de la banalisation de ces actes sous prétexte de ses œuvres. La honte. La colère. Cette fin de mois de février 2020 en France, sera donc celle de la consécration des abus.
Le 29 février est pourtant une date rare, nous ne risquons pas d’oublier celui-là. Il est nécessaire de se soulever, de s’insurger contre ce qui, de l’abus, peut pourrir l’ensemble du corps social.
En tant que professionnels des soins psychiques, nous savons ce qu’il en coûte de ne pas nommer l’abus, de ne pas nommer les meurtres d’âmes et de corps, de ne pas s’y opposer fermement : cela provoque du trauma et de la honte. La lutte contre la banalisation, voire la silenciation, des abus est notre devoir pour remettre le monde à l’endroit et redonner du sens aux mots, aux actions et aux choses.
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