Courrier des lecteurs

Covid : en a-t-on trop fait ?

Publié le 16/06/2020

Deux personnages sont très présents dans les médias depuis la pandémie, qui ont en commun un côté agaçant et une intelligence remarquable.

Mme R Bachelot, à qui on tresse à retardement des lauriers pour son attitude lors de l’épidémie H1N1, a le triomphe modeste et elle a raison, car il ne faut pas oublier dans son œuvre le plan HPST qui a comporté de nombreuses fermetures de services hospitaliers, notamment de maternités… Je ne sais pas ce qu’il en a été des services de réa mais il faudrait peut-être aller voir. Alors, quand on déplore actuellement le manque d’effectifs il vaut mieux qu’elle reste discrète. Mais elle est loin d’être idiote elle l’a visiblement compris.

Le Pr Raoult ensuite, le « druide » dominateur et sûr de lui mais qui n’est pas sans arguments ; et on voit bien en ce moment que le débat chloroquine/hydroxychloroquine n’est pas terminé… À suivre. L’autorisation temporaire de prescrire son traitement aux hospitaliers seulement, et pas aux libéraux, a quand même été inadmissible.

Sur l’avenir de la pandémie, les choses paraissent en bonne voie même si une 2e vague n’est pas exclue. Dans cette éventualité, j’espère qu’on ne décidera pas à nouveau un confinement général ; s’il a été inévitable dans l’urgence voire la panique du début, cette fois, on pourra passer à ce qui s’est toujours fait dans l’histoire des grandes épidémies : confiner les malades et les sujets contacts, et non les bien portants ou présumés tels. C’est pour cette raison que j’avais suggéré dans une contribution la réouverture des sanatoriums, qu’on pourrait rebaptiser « coronatoriums » où seraient isolés les patients à défaut de leur domicile, avec réquisition d’hôtels dédiés aux sujets contacts.

Les « clusters » importants nécessiteraient le blocus d’un périmètre de sécurité plus large, à déterminer au cas par cas. La durée des isolements ou « réclusions » n’excédant pas 3 à 4 semaines les rendrait a priori supportables, bien plus en tout cas que ce qu’on exigeait des tuberculeux dans les années cinquante (10, 12 mois parfois davantage…) Mais les dernières nouvelles semblent aller dans le bon sens.

On ne peut pas vivre éternellement dans un monde aseptisé

À l’heure du déconfinement on a du mal à comprendre certaines mesures : on impose le port du masque, les gestes barrière, la distanciation physique mais on tolère l’usage des téléphones portables dont tout le monde sait qu’ils sont les objets les plus pollués de notre environnement immédiat, les bijoux et montres-bracelets qui sont des nids à microbes, les cravates qui sont des balayettes à bactéries… On ne peut pas vivre éternellement dans un monde aseptisé au pays des « fromages qui puent », ni interdire indéfiniment théâtres, chorales ou orchestres. D’accord pour renoncer aux bisous et aux poignées de mains, mais pour le reste il va falloir apprendre à revivre sans le risque zéro.

La fermeture prolongée de certaines activités comme l’hôtellerie (qui peut-on contaminer dans une chambre d’hôtel en dehors de son conjoint, les petits-déjeuners étant automatisables ?) ou les banques (lieux d’échanges limités à un employé derrière un bureau d’au moins un mètre de large, quand ce n’est pas un automate) paraît discutable. On peut même se poser la question d’effets d’aubaine pour certains employeurs qui ont peut-être ainsi fait payer leur personnel par les largesses de l’État…

En a-t-on un peu trop fait ? La coutume des applaudissements aux soignants a été certes réconfortante pour eux mais même s’ils ont eu manifestement une surcharge de travail temporaire, c’est quand même notre boulot à nous, soignants, de prendre en charge les malades même dans les périodes de surchauffe, et il est normal que cela arrive de temps en temps.

Évitons donc les grands mots comme l’héroïsme… les liquidateurs de Tchernobyl, oui, étaient des héros puisqu’ils savaient qu’ils ne survivraient pas. D’accord pour des primes exceptionnelles, mais les médailles (qui sont d’ailleurs des repaires microbiens) c’est un peu trop.

De même le discours initial de M. le Président sur l’état de guerre était un peu excessif, même s’il visait à marquer les esprits : dans une guerre, la mort frappe en éclair sur soi ou autour de soi, quand on se retrouve hébété après une déflagration, éclaboussé par des débris humains… La guerre, c’est quand même autre chose.

Quant aux connaissances sur le coronavirus SV2, nous avons eu la démonstration magistrale de ce que nous n’en avions aucune, y compris nos plus éminents spécialistes, qui se sentaient néanmoins obligés d’improviser des réponses aux questions des journalistes… Ils doivent s’en mordre les doigts.

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Dr Bernard Dauptain, Médecin généraliste Pamiers (09)

Source : Le Quotidien du médecin