AUX GRANDS MAUX, les grands moyens. On a tout essayé ou presque pour se prémunir au maximum des infections nosocomiales en réanimation. Lavage des mains, mesures d’isolement, procédure standardisée pour la pose des cathéters veineux centraux et antisepsie du site d’insertion par chlorhexidine. Tout, sauf les bains à la chlorhexidine, qui ont suscité jusque-là une certaine méfiance.
Une étude américaine, avec le soutien institutionnel des Centers of Disease Control, multicentrique menée chez plus de 7000 patients hospitalisés en réanimation ou en unité de greffe de moelle pourrait néanmoins changer la donne. L’équipe dirigée par le Dr Michael Climo montre qu’un bain quotidien antiseptique diminue significativement le risque de septicémies nosocomiales et de portage de bactéries multirésistantes, le Staphylocoques Aureus multirésistant (SARM) et les entérocoques résistants à la vancomycine.
Sauf le visage.
L’idée d’utiliser la chlorhexidine pour la toilette repose sur les propriétés peu communes. De spectre large y compris contre le Staphylocoque aureus et les entérocoques, elle est dotée également d’une activité antibactérienne résiduelle, « qui pourrait diminuer la charge microbienne cutanée et prévenir une contamination secondaire de l’environnement ». De plus, comme les septicémies nosocomiales proviennent de » l’effraction d’organismes cutanés dans la circulation générale le long des cathéters vasculaires ou d’autres failles de l’intégrité cutanée, la décontamination pourrait théoriquement diminuer le risque d’infection ».
Neuf services de 6 hôpitaux différents et localisés sur plusieurs états américains ont participé à l’étude, ce qui lui confère une grande reproductibilité. Cette étude croisée a évalué en ouvert l’effet d’un bain quotidien à la chorhexidine par rapport à un bain standard sans antispetique chez 7727 patients. Le protocole prévoyait que chaque unité de soins fasse deux périodes de 6 mois, l’une avec bains à la chlorhexidine pour tout le monde et l’autre avec bains standard, sans « wash out » entre les deux et selon une séquence déterminée par tirage au sort. La toilette se faisait avec des gants imprégénés de chlorhexidine à 2%, de façon à rincer l’ensemble de la surface corporelle à l’exception du visage (yeux, bouche).
Un quart d’événements en moins
En considérant qu’une septicémie est nosocomiale en cas d’apparition plus de 48 heures après l’admission, les chercheurs ont observé un taux global de 4,78 cas pour 1000 patient-jours dans le groupe chlorhexidine et de 6,60 cas dans le groupe bain standard, ce qui correspond à une diminution de 28%. Les résultats sont comparables pour ce qui est du portage de bactéries multirésistantes, puisque le taux global est passé de 5,10 cas pour 1000 patient-jours dans le groupe chlorhexidine et de 6,60 cas pour 1000 patient-jours dans le groupe standard, soit une diminution de 23%. L’équipe ne rapporte aucune réaction cutanée allergique grave pour qui « ces réactions semblent rares ».
Cette étude, la première multicentrique, confirme les premiers résultats d’études plus petites monocentriques. Et elle va même plus loin. De façon inattendue, les chercheurs ont constaté une baisse des infections fongiques sur cathéter centraux. Comme la chlorhexidine possède une activité fongicide biphasique, cet effet inédit pourrait parfaitement ne pas être le fruit du hasard. S’il se voyait confirmé par la suite, l’antisepsie topique pourrait être une alternative avantageuse à la prophylaxie systémique antifongique, à l’origine d’émergence de résistance. Mais à ce sujet, il n’est pas exclu que l’utilisation répétée et généralisée de chlorhexidine en soit pourvoyeuse également. Ce qui, de l’avis des auteurs, est « un sujet de préoccupation substantiel à contrôler» car l’apparition de nombreuses résistances aux biocides et désinfectants a déjà freiné par le passé l’enthousiasme à les utiliser de façon élargie.
The New England Journal of Medicine, 2013 ;368 :533-42.
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