Le praticien généraliste est un professionnel qui souhaite souvent s’investir dans la formation des étudiants. Une évolution a été observée au sein des universités de médecine depuis deux décennies. Ainsi l’hôpital, qui était le symbole de la connaissance médicale pour les étudiants en médecine, n’est plus le seul outil d’instruction pour les futurs confrères.
Nos aînés ont été formés essentiellement au CHU, et ne connaissaient pas la pratique médicale en dehors de ce cadre. De plus, une importante dévalorisation de la médecine générale était relayée par les patrons de certains services hospitaliers qui ne juraient que par la filière de roi : la spécialité.
Les mentalités très progressivement changent. Ainsi, dès la 4e voire la 5e année de médecine, les étudiants en médecine doivent aller sur le terrain, et se frotter durant un mois au terrain (période qui varie en fonction de l’université). Ils ont l’obligation de venir dans des cabinets de médecine générale pour mieux comprendre une pratique qui jusqu’alors étaient pour la plupart d’entre eux tout à fait inconnue, ou parfois déformée par le prisme universitaire.
Cet investissement s’est très progressivement amélioré car les doyens ont compris l’intérêt de cette prise en compte. Pour ce faire, dans certaines universités (c’est le cas de Montpellier) les périodes de cours alternent avec les périodes de stages, et ne se chevauchent pas. De cette manière, les étudiants peuvent venir en milieu rural ; lieu qui est parfois très éloigné de la ville universitaire de rattachement.
Une telle évolution est très positive car elle amène les étudiants à mieux appréhender une spécialité qu’ils ne connaissent que très peu, et à prendre part à des pratiques qu’ils ne pensaient voir en cabinet libéral. De nombreux confrères ont fait le choix de les accueillir, et de leur proposer une participation active. Collaboration très positive pour tous car elle permet de leur donner le goût de la médecine libérale.
Il ne faut pas l’oublier, la plupart d’entre eux officieront de cette manière en fin d’étude, et de ce fait il est intéressant de leur mettre le pied à l’étrier dès le 2e cycle. En parallèle, les internes (à mon époque on parlait de résident car la médecine générale n’était pas une filière très valorisée) qui ont choisi la médecine générale viennent dans le cabinet, et découvrent sur des périodes de 6 mois le métier de médecin traitant libéral.
Le Covid-19 est une opportunité
Le COVID-19 est une opportunité pour la formation des étudiants, plus qu’un handicap ! Un fléau a frappé notre pays, et nous avons dû, en tant que professionnels de santé, nous adapter à cette nouvelle donne. Pour ce faire, de nouvelles règles ont été prises eu sein des cabinets médicaux pour recevoir les patients.
En parallèle, s’est posée la question de l’intérêt de recevoir dans ce contexte des étudiants en médecine. Or, en prenant les mesures adéquates pour éviter la contagion du patient et de l’étudiant, il est possible d’assurer un accueil de ces futurs confrères.
Au sein de notre cabinet de groupe, nous avons pris en charge durant cette période trois étudiants : une interne, et deux externes. Outre leur investissement auprès des patients ayant des problèmes médicaux non infectieux, ils ont pu voir comment fonctionnait un centre Covid-19 qui reçoit les patients pouvant être éventuellement contaminés.
Notre expertise dans le domaine de la précarité a permis à ces jeunes d’avoir une idée plus précise sur les SDF. De plus, nous avons pu discuter des mesures à mettre en œuvre pour qu’ils puissent accepter le confinement, mais aussi les différents moyens que nous pouvons utiliser pour que les professionnels non médicaux les prenant en charge ne soient pas contaminés.
Cette pandémie a été l’occasion inédite de prendre en compte de nouvelles manières de travailler. Les étudiants ont tous compris qu’en tant que professionnels de santé nous devons tous nous investir pour le bien collectif. Aucun de ces étudiants internes ou externes n’a refusé de travailler dans ce contexte, et même cette nouvelle pratique leur a permis de s’impliquer beaucoup plus.
Derrière cette pratique, ils ont pu voir qu’ils sont utiles, et que leur savoir n’est pas aussi embryonnaire qu’ils l’imaginent. C’est de cette manière que nous pouvons leur inculquer les valeurs qui nous sont chères, et qui permettent d’être fier d’être en première ligne en cas de coup dur.
Soutien sans faille de l’université
Le doyen de l’université de Montpellier a tout à fait compris l’intérêt de cette formation de terrain pour les jeunes étudiants. En nous proposant de les accueillir tout le long de l’année, et ce même en étant éloignés du centre universitaire. Et en leur donnant un précieux sésame qui leur permet de se déplacer sans avoir de problèmes avec la force publique.
Alors que de nombreux examens ont été annulés ou s’effectueront par internet, le doyen a fait le choix d’envoyer les étudiants de 4e année auprès des maîtres de stage volontaires. Saluons une telle initiative qui donne encore plus de fierté à nous tous d’être des médecins généralistes, et de montrer qu’il est fondamental de participer à l’effort collectif.
Bien entendu notre exemple n’est pas nécessairement le reflet de la réalité. Certains collègues refusent la participation d’étudiants (interne et externe) lors de leurs consultations. Nous ne devons pas les blâmer car un tel investissement dévoile ses forces mais aussi ses faiblesses. Or comme tout professionnels, nous avons des difficultés à exposer nos erreurs qui peuvent être amplifiées de cette façon auprès d’autres professionnels de santé connus par ces étudiants.
D’autres s’imaginent qu’accepter des étudiants, c’est perdre du temps, et c’est aussi une grande frustration pour le patient qui souhaite consulter seul son médecin traitant. Il est certain qu’accepter un externe ou un interne c’est prendre plus de temps, mais cela permet de rompre la monotonie journalière et nous incite régulièrement à nous remettre en question.
De plus, le patient comprend très rapidement l’intérêt de cette collaboration qui lui permet d’avoir une prise en charge plus « cadrée ». Par ailleurs, il semble tout aussi opportun de réfléchir sur une alternative qui favoriserait un stage libéral associant ville/campagne ; cela sur deux mois. De cette manière chaque étudiant aurait la possibilité de connaître des pratiques différentes, mais aussi obligerait la totalité de ces jeunes à venir en milieu rural (beaucoup restent dans leur ville universitaire).
La société évolue, et notre pratique également, et nous devons dans ce cas nous impliquer plus pour que nos futurs collègues connaissent mieux notre travail. Le CHU a une valeur incontestable, mais il ne faut pas oublier que les petites mains qui officient derrière ont un rôle tout aussi important à jouer. C’est la raison pour laquelle il est impératif d’envoyer ces futurs confrères dans nos cabinets libéraux.
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EXERGUE : Cette pandémie a été l’occasion inédite de prendre en compte de nouvelles manières de travailler. Aucun de ces étudiants internes ou externes n’a refusé de travailler dans ce contexte
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