Fin juillet, le registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera) alertait sur la naissance de 7 enfants nés avec une anomalie réductionnelle des membres (sans bras ou sans main) dans l’Ain, malformations d’autant plus intrigantes qu’elles sont localisées dans un périmètre de 17 km. Après avoir mené une investigation épidémiologique parallèle, Santé publique France (SPF) estime aujourd’hui que « l’analyse statistique ne met pas en évidence un excès de cas d’agénésie des membres supérieurs dans l’Ain par rapport à la moyenne nationale », ce que conteste le registre lyonnais.
L’agence explique cette divergence de conclusion par l’utilisation d’une méthode statistique différente de celle du Remera. SPF observe en revanche un excès d’agénésie des membres supérieurs en Loire-Atlantique et dans le Morbihan. Cette pathologie a une prévalence de 1,7 cas/10 000 naissances en France : 3 cas ont été signalés en Loire-Atlantique entre 2007 et 2008, 7 cas dans l’Ain entre 2009 et 2014 et 4 cas dans le Morbihan entre 2011 et 2013. Les cas de Loire-Atlantique et du Morbihan forment selon SPF des « clusters », des cas groupés dans un temps et un lieu donné, autour d’une cause commune.
Aucune exposition commune des mères
À quoi sont liées ces malformations, apparues dans des familles vivant toutes en zone rurale ? Les investigations de SPF et du Remera ont, séparément, cherché à le comprendre, sans y parvenir pour l’instant. SPF a demandé aux parents, grands-parents et surtout aux mères de répondre à des questionnaires « très lourds et très complexes », tandis qu’un recueil des informations environnementales et vétérinaires était réalisé (dans l’Ain, des malformations ont été constatées chez des veaux). Résultat : « Aucune exposition commune des mères à une substance particulière (médicament, pesticide, etc.) n’a été mise en évidence, ni aucun événement industriel délétère dans les zones concernées, note Bertrand Gagnière, épidémiologiste de SPF qui a travaillé sur les cas bretons. Les périodes d’épandage ne correspondent pas non plus aux stades critiques de la grossesse. »
Face à ce constat d’échec, le SPF se borne à « renforcer la surveillance à l’aide des six registres des malformations médicales déployés en France, de manière à faire remonter le plus rapidement possible les cas signalés et lutter contre l’oubli des familles : celles-ci sont amenées à se souvenir de leur mode de vie et de leurs expositions potentielles des années parfois après la naissance de leur enfant », explique Anne Gallay, directrice des maladies non transmissibles et des traumatismes à SPF.
SPF prévoit la création d'une Fédération des registres
L’agence prévoit également de créer dans les mois qui viennent une Fédération des registres, incluant les 6 registres actuels et un septième envisagé en Nouvelle Aquitaine (région très exposée aux pesticides). « Ce regroupement de données permettra de donner plus de puissance à nos analyses », juge Jean-Claude Desenclos, directeur scientifique de SPF.
Emmanuelle Amar, directrice générale du Remera et épidémiologiste, fulmine : « Faire de la surveillance n’a jamais évité les clusters d’arriver. Ce n’est pas suffisant. » Pour le Remera, qui a mis au jour le scandale de la Dépakine, il faut réunir les mères des enfants souffrant de ces malformations. « C’est ce que nous avons fait pour la Thalidomide. En parlant à l’ensemble des mères, un point commun a émergé : elles avaient toutes eu des nausées pendant la grossesse. Pour la Dépakine, même chose : le fait que les femmes se ressemblaient a été un point de départ. » Selon Emmanuelle Amar, SPF a refusé qu’une telle réunion se tienne. « Il faut en outre réunir une équipe scientifique multidisciplinaire, faire une revue de la littérature de toutes les substances présentes dans la région de l’Ain et regarder celles susceptibles de contenir des vasoconstricteurs. Bref : il faut rechercher les causes plausibles », ajoute-t-elle.
La réponse de la DGS
SPF et Remera parviendront-ils à trouver un terrain d’entente ? Rien n’est moins sûr. D’autant que les jours de Remera sont comptés : en novembre 2017, le principal financeur de cette association loi 1901, la région Auvergne Rhône-Alpes (dirigée par Laurent Wauquiez, LR), a mis fin à sa subvention de 100 000 euros par an, suivi rapidement par l’INSERM (30 000 euros par an). Seuls l’ANSM et SPF financent encore le registre, à raison respectivement de 30 000 euros et 80 000 euros par an.
Santé publique France exhorte donc le Remera à faire « un tour de table pour convaincre les Hospices civils de Lyon » de mettre la main à la poche, selon François Bourdillon, directeur général de SPF. Alerté par le député Olivier Véran (LREM) sur la situation financière de ce registre, le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé, a répondu que les « solutions qui pourront être apportées pour pérenniser le registre Remera devront tenir compte de la nécessaire homogénéisation du fonctionnement de l’ensemble des registres existants et imposeront à tous l’acceptation et le partage réel des règles ».
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