Le Quotidien – Depuis quand l’OMS fait-elle face aux « infodémies » ?
Dr Sylvie Briand, Nous avons toujours rencontré des résistances locales à nos interventions, mais c’est la pandémie de H1NI en 2009 qui nous a fait prendre un tournant, alors que les réseaux sociaux propageaient l’idée d’une grippette pour entraver les programmes vaccinaux que nous avions engagés. Depuis, sur tous les fronts épidémiques, Ebola en 2014, Zika et MERS en 2015, peste en 2017, nous sommes amenés à désamorcer la bombe atomique que représente à chaque épidémie l’amplification par les médias et les réseaux sociaux des rumeurs, sous forme de fake news, ce que j’appelle les infodémies.
Quels risques nouveaux entraînent-elles ?
Les rumeurs peuvent porter sur l’épidémie proprement dite en dramatisant les bilans et en créant des réactions de panique, elles peuvent aussi viser nos équipes avec la théorie du complot qui les accuse d’être des acteurs de la propagation épidémique et elles entravent constamment nos actions. Elles sont accusées d’effectuer des prélèvements d’organes sur des personnes vivantes. Parfois, des passages à l’acte vont jusqu’au lynchage des responsables de santé publique, comme ce fut déploré lors d’Ebola.
Comment désamorcez-vous ces phénomènes ?
Nous devons revoir complètement nos seuils d’acceptabilité par les populations et cesser de débarquer partout dans le monde en imposant d’entrée de jeu des protocoles d’infectiologie, aussi vérifiés soient-ils. Ça change complètement la donne. Chaque étape de gestion de crise doit faire l’objet de négociations pour se mettre au niveau des gens, de leurs traditions et de leurs cultures. Par exemple, pour l’inhumation des victimes de la peste à Madagascar, il a fallu intégrer le recours à des linceuls, tout en faisant accepter l’usage préalable d’un plastique. Cet effort de communication est compliqué par les difficultés de traduction, avec des langues locales souvent méconnues. La communication est un art difficile dans l’urgence.
Avez-vous les moyens d'agir ?
Pour faire l’interface entre science et communication, nous avons inscrit dans le RSI (règlement sanitaire international) une procédure technique sur la Fake public health ; nous avons créé un network avec des anthropologues et des sociologues pour former nos équipes d’intervention aux perceptions et aux croyances des populations à risque, sans chercher à produire des analyses parfaites, mais en étant le plus opérationnel possible. Et puis nous mettons à contribution les réseaux sociaux et les radios locales pour passer nos messages de réduction des risques. Pour l’OMS, c’est nouveau et c’est passionnant.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024