Les réticences vis-à-vis des vaccins ont de multiples raisons, souvent complexes, et le phénomène appelé « vaccine hesitancy » ou « hésitation vaccinale » fait l’objet de nombreux travaux. En France, plusieurs épisodes ont contribué à accentuer ce phénomène. Citons, la vaccination contre l’hépatite B et le risque allégué de survenue de sclérose en plaques ou plus récemment la vaccination contre la grippe H1N1 au moment de la pandémie 2009.
Vaccination obligatoire ou recommandée : un choix sociétal
Autre particularité française, la co-existence, historique, de vaccins obligatoires (diphtérie, tétanos et polio dans l’enfance) et de vaccins seulement recommandés (les autres vaccinations du calendrier vaccinal). En 2014, déjà, cette question avait fait l’objet d’un avis du Haut conseil de la santé publique qui considérait que « le maintien ou non de l’obligation vaccinale en population générale relevait d’un choix sociétal et devait faire l’objet d’un débat que les autorités devaient organiser ». Ce débat a eu lieu en 2016 sous la forme d’une Concertation citoyenne sur la vaccination mise en place à la demande de la ministre de la Santé et confiée au Pr Alain Fischer, immunologiste de renom, et Madame Claude Rambaud, coprésidente du Collectif interassociatif sur la santé (CISS).
Entre les mois de mai et d’octobre 2016, le Comité d’orientation, composé d’un panel de personnalités d’horizons divers (philosophe, anthropologue, médecins spécialistes de médecine générale, de pédiatrie, d’infectiologie, spécialistes du droit…) a auditionné plus de 40 représentants des associations de patients, des professionnels de santé, des industriels, et des experts de la vaccination. Ils se sont appuyés sur les conclusions de deux jurys (un jury citoyen et un second de professionnels de santé). Par ailleurs, le Comité d’orientation a pris en compte les résultats de deux enquêtes montrant qu’en cas de suppression des obligations vaccinales, plus de 20 % des parents âgés de 20 à 30 ans ne feraient plus vacciner leurs enfants contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, vaccins aujourd’hui obligatoires, et que plus de 15 % des médecins n’insisteraient plus sur l’importance de la vaccination.
Vers un élargissement des obligations vaccinales ?
Dans ce contexte, l’une de leurs recommandations pour restaurer la confiance des Français dans les vaccins est d’élargir les obligations vaccinales de l’enfant. Cet élargissement des obligations doit permettre dans une deuxième étape de supprimer toute obligation. Cette proposition peut surprendre. Alors que la France est l’un des derniers pays d’Europe à rendre obligatoire certains vaccins, on s’attendait plutôt à une suppression des obligations. Bien sûr, il serait préférable de pouvoir convaincre nos concitoyens et l’ensemble des soignants de l’intérêt des vaccins plutôt que les soumettre à l’obligation. Mais est-ce possible compte tenu de la situation actuelle et des réticences fortes d’une proportion importante des Français ? Nous ne pouvons prendre le risque d’une baisse de 20 % de la couverture vaccinale vis-à-vis de la diphtérie, du tétanos et de la poliomyélite, mais également de la coqueluche, des infections à Haemophilus influenzae et de l’hépatite B. En effet, le risque serait alors important d’assister à la ré-émergence de ces maladies infectieuses aujourd’hui oubliées ! Les épidémies récentes de rougeole et de diphtérie dans d’autres contrées, nous l’ont rappelé. De plus les vaccins aujourd’hui disponibles (vaccins pentavalents ou hexavalents) répondent aux recommandations du calendrier vaccinal mais ne permettent pas de vacciner contre les seuls vaccins obligatoires ce qui est contraire à la loi comme l’a rappelé le Conseil d’État dans un avis rendu en février 2017.
Cette proposition d’élargissement des obligations vaccinales aux vaccins recommandés de l’enfant a été soutenue par un grand nombre de sociétés savantes, les Académies de médecine et de pharmacie et les conseils de l’ordre des médecins, infirmiers, sages-femmes. Pourtant, depuis le 30 novembre 2016, date de présentation officielle de cette proposition, la décision de la ministre est en attente !
Université Paris Descartes, Sorbonne Paris ; Inserm, CIC 1417 et F-CRIN I-REIVAC ; AP-HP, Fédération d’infectiologie, hôpital Cochin, Paris
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