Alors que s’ouvre la 71e assemblée mondiale de la santé de l'OMS (voire encadré), qui fête ses 70 ans, la communauté internationale s'apprête à utiliser un arsenal complet sur l'épidémie d'Ebola en cours le nord ouest de la République Démocratique du Congo (RDC).
C'est en effet la première fois que le vaccin rVSV ZEBOV et les traitements expérimentaux contre le virus seront utilisés conjointement, dès le début de l'épidémie. Les premières vaccinations ont eu lieu dimanche 20 mai, tandis que les traitements expérimentaux devraient commencer à être délivrés dans la semaine qui suit.
Pour Micaela Serafini, directrice médical de la branche suisse de MSF chargée de la dispensation du rVSV ZEBOV, cette vaccination se veut « complémentaire des autres techniques de prises en charge de l'épidémie, explique-t-elle au « Quotidien » Nous terminons la rédaction d'un protocole qui se base sur celui que nous avions préparé lors de l'épidémie de la région de Litaki, l'année dernière. Nous travaillons actuellement sur les aspects éthiques : La vaccination restera un acte volontaire. »
Une conservation à -60 °C
L'utilisation du vaccin de Merck en RDC est en soi un défi logistique. Le rVSV ZEBOV doit être conservé à une température de - 60 °C, alors même qu'il devra être transporté jusque dans des villages isolés. MSF Suisse prévoit de vacciner environ 7 000 personnes au cours de l'épidémie. « Les stocks sont prévus en conséquence », assure Micaela Serafini. Comme lors de l'essai en Guinée, ce sont les contacts et les contacts des contacts des cas confirmés uniquement qui seront vaccinés, ainsi que les personnels de santé. Le début de la campagne de vaccination est donc suspendu à la mise à disposition de moyens nécessaires pour confirmer rapidement les cas suspects. Sur les 45 cas possibles ou suspects, 14 ont été confirmés pour l'instant. « Il faut attendre 4 jours pour avoir un retour du laboratoire de Kinshasa », rappelle au « Quotidien » le Dr Axelle Ronsse, coordinatrice d'urgence de MSF Belgique.
Un laboratoire mobile a été acheminé à Bikoro pour raccourcir le temps mis pour confirmer les cas. Une fois installé sur le site de l'hôpital général de Bikoro, il permettra d'obtenir un diagnostic en moins d'une journée, un peu plus pour les villages alentour qui ne sont accessibles qu'à moto. « Des tests rapides ont été expérimentés pendant les épidémies d'Afrique de l'Ouest mais ne sont pas validés faute de sensibilité et de spécificité, ajoute le Dr Ronsse. Nous utilisons le test de diagnostic GeneXpert, non spécifique à Ebola, mais qui donne une première orientation diagnostic avant la confirmation par la PCR. »
Si la vaccination est mise en œuvre par MSF Suisse, la prise en charge des malades symptomatiques est déjà assurée par section belge de MSF qui dispose d'une équipe de 30 personnes sur place. Elle dispose d'une zone d’isolement de 5 lits dans l’hôpital principal de la Bikoro, ainsi qu’une autre de 10 lits dans l’hôpital de Bikoro. Les équipes construisent également 2 centres de traitement Ebola comportant 20 lits chacun. Pour l'heure, 10 patients sont isolés à l'hôpital de Bikoro, les autres ont été isolés sur place dans les villages où les symptômes sont apparus.
Un problème d'ingérence
Pour le Pr Éric Delaporte, un enjeu important sera d'éviter à compétitions de l'aide humanitaire et de la recherche qui s'était faite en 2015, au détriment de la coopération avec les autorités locales et les communautés. Lors de la grande épidémie, le comportement des humanitaires avait parfois effrayé les populations locales. « Il y a un vrai problème de souveraineté et de coordination de l'aide internationale, insiste le Pr Delaporte. Il faut que les malades aient suffisamment confiance pour qu'ils se signalent ! »
L'avertissement a, semble-t-il, été entendu, puisque la réponse à l'épidémie est actuellement coordonnée par le ministère de la santé de la RDC. Les membres de MSF et de la Croix Rouge prennent de nombreuses précautions pour gérer le problème délicat des enterrements. « Nous menons des recherches anthropologiques sur les rites funéraires locaux explique le Dr Ronsse. On implique et sensibilise la famille qui est présente lorsque l'on manipule le corps. »
Remdesivir et ZMapp
En ce qui concerne les traitements, plusieurs options sur la table : le favipiravir, l'antiviral remdesivir, et le ZMapp (Mapp biopharmaceutical). Selon le Pr Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Bichat, et coordinateur du réseau REACTing chargé d'organiser les progrès de recherche lors des situations d'urgence, seuls le ZMapp et le remdesivir sont pour l'instant envisagé. « Le ZMapp sera acheminé sur place au cours de la semaine prochaine », mais « il y a des problématiques liées au maintien de la chaîne du froid », poursuit le Pr Yazdanpanah.
Le favipiravir sera peut-être également utilisé, mais des interrogations demeurent à son sujet. « Une étude récente a montré qu'il pouvait être efficace a des doses très fortes chez le singe, explique le Pr Yazdanpanah. Mais il faudrait faire une étude de phase 1 car des doses aussi importantes n'ont jamais été administrées à l'homme. »
La réaction internationale se met en place
Le pire scénario serait la propagation du virus dans la ville de Mdanbaka et son 1,3 million d'habitants, située à moins de 150 km de Bikoro. « Il y a déjà 3 cas là-bas, dont un a été confirmé, mais nous avons pu retracer toutes les chaînes épidémiques qui mènent aux villages de la zone de l'épidémie, » rassure le Dr Ronsse. « Le fleuve Congo est un axe de propagation possible du virus vers Kinshasa et Brazzaville », ajoute toutefois le Pr Yazdanpanah.
Pour remédier aux problèmes logistiques, le programme alimentaire mondial a mis en place un pont aérien entre Kinshasa, Mbandaka et la zone concernée. L'OMS annonce avoir sécurisé 8,8 millions de dollars (7,5 millions d'euros) pour financer la réponse à l'épidémie et estime que 17 millions supplémentaires (14,4 millions d'euros) sont nécessaires.
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