Le concept de médecine fondée sur les preuves ou EBM (Evidence-Based-Medicine) nous aide à mieux raisonner en médecine. L’EBM guide la décision médicale. Elle est basée sur trois piliers : les données de la science, l’expérience professionnelle et les valeurs du patient. Les comportements paternalistes et autoritaires n’apportent pas de données probantes. Ces données sont difficiles à générer car il faut une méthodologie rigoureuse.
L’essai contrôlé randomisé est le meilleur moyen d’obtenir des données probantes
Les meilleures preuves sont obtenues avec les essais randomisés contrôlés (ECR), les méta-analyses et les revues systématiques bien faites. Les études observationnelles, souvent rétrospectives, les cas cliniques apportent des hypothèses mais jamais de preuves. Les ECR comparent des interventions pour montrer que la nouvelle intervention est supérieure ou inférieure à l’état de l’art. L’EBM et les méthodes de lecture critique sont utilisées pour élaborer des recommandations. Des experts sélectionnent les articles contenant des données probantes. Une formation permet de manier ces concepts en apprenant à utiliser des grilles de lecture des articles. Mais il faut se méfier des avis d’experts, dont nous avons pourtant besoin.
Le « publish or perish » pousse les chercheurs à publier des contes de fées
Il existe une quarantaine d’études qui ont comparé les objectifs exprimés dans les protocoles d’ECR et les objectifs décrits dans les articles de ces mêmes ECR. On s’aperçoit que les auteurs d’articles ont parfois sculpté leurs résultats en fonction de leur vision du monde. Tout existe et je ne suis pas exhaustif : sélection des données (oubli de données gênantes), changement du critère principal de l’essai, évaluation du critère principal à un moment différent de celui planifié, publication de sous-groupes plutôt que de tous les malades, ajout de critères de jugement non prévus initialement, changement des tests statistiques… Une étude a montré que les essais industriels étaient de meilleure qualité que les essais académiques. Plus de la moitié, voire 75 % des publications ne sont pas strictement conformes aux protocoles. Ces embellissements transforment des données piteuses en de beaux papillons exotiques. Si cela nous questionne, tout n’est pas à jeter, car il peut être justifié de changer un critère à condition de le dire explicitement. Donc, restons prudents quand nous lisons la littérature voire les recommandations basées sur les ECR !
Parfois, des ECR publiés dans des revues scientifiques ne sont que des contes de fées. Les chercheurs (honnêtes) savent que les rédacteurs des revues cherchent l’innovation avant la qualité. Le « nouveau » a toujours un avantage sur la réplication bien faite de ce qui a déjà été montré. Les chercheurs, soumis à des évaluations réductrices basées sur les volumes de publications et leurs citations, doivent beaucoup publier pour survivre. Ils embellissent pour plaire et maquillent la réalité.
Les méthodes d’un article sont plus importantes que les résultats
Depuis les années 1990, il ne devrait plus être accepté de publier des résultats d’ECR sans joindre un protocole décrivant l’étude avant l’inclusion du premier malade. Ce protocole devrait être d’accès libre et disponible pour les lecteurs en un clic. En 2022, tous les protocoles ne sont pas accessibles ! Inadmissible.
La médecine est en retard sur les sciences cognitives, les neurosciences qui ont depuis 2013 décrit et adopté un système différent de publications : les Registered Reports ou RRs (pas de traduction française acceptée). Les auteurs soumettent un protocole avant de commencer leur recherche ; ce protocole est évalué par le comité de rédaction de la revue ; il peut être accepté de principe, ce qui engage la revue à publier l’article quand les résultats seront disponibles, après plusieurs années ; le manuscrit final est relu pour s’assurer que la recherche est conforme au protocole. Des données ont montré que les articles RRs étaient moins embellis que ceux sélectionnés sur des résultats. Environ 300 revues, en parallèle avec leur fonctionnement habituel, publient des RRs. Cela prend plusieurs années entre l’acceptation et la publication… et la science lente a du bon.
Les revues de médecine devront adopter les RRs pour diffuser des données probantes plutôt que des contes de fées.
Exergue : Plus de la moitié, voire 75 % des publications ne sont pas strictement conformes aux protocoles.
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