La circulation du virus du chikungunya s’intensifie dans l’île de La Réunion. Selon un point épidémiologique publié ce mardi 11 février, 204 nouveaux cas ont été signalés entre le 27 janvier et le 2 février 2025, en majorité autour des communes d’Étang Salé et du Tampon. Depuis le 23 août 2024, 783 cas autochtones ont été recensés, dont 671 depuis le début de l’année. Selon la Dr Émilie Mosnier, infectiologue et chercheuse chez Expertise France pour l'ANRS-MIE (site Phnom Penh, au Cambodge), l’épidémie devrait progresser jusqu’en mai où elle connaîtra son pic avant de refluer.
Outre les traitements symptomatiques des douleurs (anti-inflammatoires et immunomodulateurs), un vaccin vivant atténué en une dose est déjà disponible dans les officines de l’Île de La Réunion : Ixchiq, développé par le laboratoire Valneva, qui dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne depuis juin dernier. Un autre vaccin (recombiné avec adjuvant) appelé ChikV VLP et développé par Bavarian Nordic, devrait également recevoir une AMM dans la première moitié de 2025.
Mais l’utilisation d’Ixchiq reste suspendue à des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) prévues pour la fin du mois de février. Son remboursement par l’Assurance-maladie interviendra, lui, dans un second temps, peut-être lointain. « C’est un vrai problème, indique la Dr Mosnier. Lors de nos enquêtes flash sur l’acceptabilité vaccinale, le taux de réponse positive était d’environ 60 % si le vaccin est remboursé, contre seulement 20 % si l’usager doit payer lui-même son vaccin. » Or, le prix d’une dose de Ixchiq est de l’ordre de 150 euros.
Des campagnes de vaccination pourraient néanmoins être organisées rapidement. « Il s’agirait de mettre à disposition des vaccins de façon réactive dans un contexte épidémique, en fonction des scénarios des recommandations que doit publier la HAS, précise la Dr Mosnier. Les immunodéprimés et les personnes souffrant de nombreuses comorbidités seront vraisemblablement prioritaires. » Une étude est mise en place par l’ANRS pour évaluer l’efficacité « en vie réelle des vaccins », de même qu’une étude de cohorte pour mesurer leurs conséquences sur la santé publique. « Il y a environ 180 000 personnes souffrant de comorbidités à La Réunion, rappelle la Dr Mosnier. Nous voudrions savoir quel pourrait être l’impact des vaccins sur les hospitalisations et les formes graves. »
Seulement 17 % de séroprévalence
L'île de La Réunion avait été le théâtre d’une première épidémie de Chikungunya en 2005 avec un taux d’attaque de l’ordre de 60 %. « Les personnes déjà exposées au virus restent immunisées pour une très longue période, explique la Dr Mosnier. Mais selon une étude que nous avons récemment menée à partir des données collectées chez les donneurs de sang, il ressort que la séroprévalence est de seulement 17 % dans la population actuelle, qui n’est donc pas bien protégée. » L’explication de cette faible séroprévalence résiderait dans le fait qu’il y ait eu un renouvellement important de la population au cours des 20 dernières années. Les premières observations sur la nouvelle épidémie semblent indiquer une moindre morbi-mortalité, comparativement à 2005, puisque sur les presque 800 cas recensés depuis août dernier, seulement 3 ont donné lieu à des hospitalisations de plus de 24 heures. « C’est possiblement un effet lié à la souche qui circule », suppose la Dr Mosnier.
Proche d’autres arboviroses comme la dengue par sa présentation clinique, l’infection par le chikungunya se caractérise généralement par l’apparition d’une fièvre élevée après 4 à 8 jours d’incubation, ainsi que par des douleurs articulaires parfois sévères touchant principalement les petites articulations des extrémités, des douleurs musculaires et des éruptions cutanées (rash maculopapuleux sur le tronc, les membres et parfois le visage, survenant dans environ 40 à 50 % des cas symptomatiques). Des formes ophtalmiques sont également décrites, ainsi que de rares complications neurologiques, cardiaques ou gastro-intestinales.
Si la majorité des patients récupère en quelques semaines, environ 10 % d’entre eux peuvent développer une forme chronique avec douleurs articulaires persistantes. « La létalité est comprise entre 0,5 et 1 cas sur 1 000 patients », estime la Dr Mosnier.
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