L’hydroxychloroquine a depuis longtemps été utilisée dans la prévention du paludisme. Une étude italienne récente (preprint en langue italienne non revue par des pairs) fait état d’une cohorte de 60 000 patients traités au long cours pour d’autres pathologies. Dans cette étude on ne déplore aucun décès dû au COVID19, aucune admission en réanimation et seulement 20 patients testés positifs en RT-PCR.
En France des patients atteints de lupus ont réalisé une enquête qui fait également état de chiffres rassurants ; mais la présidente de l’Association Française du Lupus a fait savoir qu’elle ne validait pas ces résultats du fait d’une méthodologie non contrôlée. Cette idée de l’Hydroxychloroquine en prévention du COVID19 a cependant suffisamment fait son chemin pour qu’actuellement deux études de prévention soient en cours. Les deux études portent sur du personnel hospitalier ou d’EHPAD. L’une est initiée par le Pr Jean Marc Tréluyer pour l’AP-HP et l’autre par le Pr Bruno Hoen pour l’Institut Pasteur. Les deux études sont très proches du moins pour ce qui nous intéresse ici : dans les deux cas 300 patients sont sous Hydroxychloroquine et 300 sous placebo.
D’autres données existent qui pourraient apporter « a piece of knowledge » solide : celles de l’Assurance Maladie qui constitue une mine particulièrement homogène, exhaustive et centralisée. La question de savoir si les patients traités par l’Hydroxychloroquine au long cours ont été plus ou moins protégés du COVID 19 est typiquement de celles qui peuvent recevoir une réponse sans ambiguïté en utilisant ces données. On se souvient du scandale du Médiator : ce sont finalement ces données extirpées grâce à un informaticien militant qui avait mis fin à plusieurs mois de débat.
Ces données de l’Assurance Maladie sont reconnues comme particulièrement fiables et exhaustives puisqu’elles constituent la base de Big Data du French Data Hub, création dont Le Quotidien s’est fait l’écho. On ne peut que se féliciter que la France ait mis en priorité la santé dans ces choix technologiques et déjà des appels d’offres ont eu lieu concernant des programmes de recherche en intelligence artificielle.
Néanmoins cette exploitation en « coopération » avec Microsoft Azure a inquiété de nombreux professionnels et informaticiens de la santé : l’expertise de ces multinationales en accès, croisement et marchandisation des données rivalise avec celle de la CIA si l’on en croit le grand spécialiste de la surveillance globale Edward Snowden, que nous conseillons vivement à nos collègues (Mémoires vives. Seuil 2019. 19 €).
Permettre des recherches utiles en pratique quotidienne
Cette « coopération » avec ces grands spécialistes de l’accès aux données aurait dû être l’occasion de permettre aux professionnels de santé, avec une clé chiffrée personnelle d’y avoir accès. Et ainsi à répondre à des questions plus simples et plus quotidiennes, à vérifier des hypothèses issues du terrain, qui pourraient permettre à moindre coût à tous les médecins praticiens, en équipe avec des méthodologistes de santé publique et des médecins PMSI de faire des recherches utiles en pratique quotidienne et des publications dont la France n’aurait pas à rougir (exemple du Mediator et des prescriptions Plaquenil). Ces publications pourraient aussi servir de base à des promotions au titre d’assistant de médecine générale par exemple.
Rappelons que ces données informatiques dont le recueil nous a été imposé pour des raisons budgétaires ont essentiellement servi pendant ces 20 dernières années comme instruments dits « d’aide à la décision », c’est-à-dire par « benchmarking » interposé à diminuer d’année en année les moyens alloués pour les soins de nos malades. De plus, il nous apparaît pour le moins paradoxal qu’en cette période de pandémie nous ayons accès librement à toutes les publications internationales mises immédiatement en « open source » et de ne pas disposer de nos propres données de façon transparente et ouverte.
Nos gouvernements démocratiques on –ils tant de choses à cacher ? Mais peut-être n’est-ce que le résultat du mépris croissant d’une administration qui confisque sans vergogne les résultats d’un travail qui nous a coûté tant d’heures et a toujours été utilisé contre nous ? On peut espérer que cette épidémie qui va laisser les hôpitaux exsangues comme le reste de la société, redonnera au moins aux médecins un peu de pouvoir et de dignité, face à une administration devenue toute-puissante, menaçant parfois la santé même des soignants.
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EXERGUE : En cette période de pandémie nous ayons accès librement à toutes les publications internationales mais pas à nos propres données de façon transparente et ouverte.
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