La tuberculose n’est pas une maladie moderne, dans les esprits. La recherche médicale sur cette thématique et la gestion des patients n’ont quasiment pas évolué entre les années 1965 et 2015, en termes de diagnostic (examen microscopique et culture), et de traitement (dans le schéma thérapeutique de première ligne en 2016, la molécule la plus récente – la rifampicine – date de… 1963 !).
La prise de conscience de l’importance de la tuberculose en termes de santé publique a néanmoins suscité de grandes initiatives, fondées notamment sur des financements dédiés par de grandes institutions et organisations non gouvernementales, avec des partenariats public-privé qui ont porté leurs fruits. On assiste à une reprise spectaculaire de la recherche médicale sur la tuberculose, qui devrait progressivement modifier le paysage.
En 2014, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 9,6 millions de patients ont développé une tuberculose-maladie et 1,5 million en sont morts (1). Même si on observe depuis une quinzaine d’années une baisse de l’incidence et des décès liés à la tuberculose (figure 1), les perspectives d’éradication de la maladie semblent encore lointaines. Cependant, on estime que les progrès accomplis entre 2000 et 2013 dans le cadre du Millenium Development Goal ont permis de sauver 37 millions de vies. Les prochains objectifs fixés par l’OMS sont particulièrement ambitieux : mettre fin à l’épidémie mondiale de tuberculose en 2035, dans le cadre du programme End Tuberculosis Strategy.
Si l’histoire doit inciter à la prudence, les baisses d’incidence et de mortalité observées en ce début de XXIe siècle sont néanmoins encourageantes !
En France, l’institut de veille sanitaire (InVS), suit étroitement l’évolution des déclarations obligatoires, avec une évaluation régulière de la fiabilité de cet indicateur (notamment par des études de capture/recapture à partir d’autres sources). La tendance y est également favorable (figure 2), avec une incidence qui a été divisée par 2 depuis le début des années 1990. Notamment, l’interruption de l’obligation vaccinale BCG en 2007 n’a pas été suivie d’une baisse de cette décroissance (2).
L’émergence des tuberculoses multirésistantes (résistantes au minimum à l'isoniazide et la rifampicine) depuis quelques années est un sujet de préoccupation, même si les dernières tendances sont à la stabilité (environ 1 % des tuberculoses en France).
Les ITL sur le devant de la scène
La baisse progressive de l’incidence de la tuberculose-maladie renforce l’intérêt d’une meilleure prise en charge de la partie immergée de l’iceberg : les infections tuberculeuses latentes (ITL). En effet, le principe de traitement de l’ITL, le plus souvent par 3 mois de bithérapie isoniazide (INH) + rifampicine (RMP) ou 9 mois de monothérapie INH, a d’autant plus d’intérêt si le risque d’une nouvelle contamination est très faible (3).
Le même traitement depuis 50 ans
Enfin, même si le traitement de 1re ligne de la tuberculose-maladie n’a pas changé au cours des 50 dernières années (4), il faut souligner la qualité des récentes études, qui ont pour la plupart conclu à un échec de la stratégie testée : 3 études de haut niveau, ayant inclus plusieurs milliers de patients, ont montré qu’on ne peut pas réduire la durée de traitement des tuberculoses multisensibles à 4 mois en introduisant une des nouvelles fluoroquinolones dans le schéma thérapeutique. Le taux de rechute dans l’année qui suit l’arrêt du traitement est supérieur à ce qu’on observe dans les bras traitement classique (5-7).
Par ailleurs, la majoration des posologies de rifampicine dans les tuberculoses neuroméningées n’apporte aucun bénéfice, pas plus que l’addition d’une des nouvelles fluoroquinolones (8).
Service des maladies infectieuses et réanimation médicale, hôpital Pontchaillou, CHU Rennes
(1) World Health Organization. Global Tuberculosis Report 2015. Report
no. WHO/HTM/TB/2014.08. Geneva : World Health Organization ;
2015. http://www.who.int/tb/Global_TB_Facts.pdf?ua=1
(2) Institut de Veille Sanitaire. Dossier thématique "Tuberculose". 2016. http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Mal…
(3) Getahun H, Matteelli A, Chaisson RE, et al. Latent Mycobacterium tuberculosis infection. NEJM 2015 ;372:2127-35
(4) Horsburgh CR, Jr., Barry CE, 3rd, Lange C. Treatment of Tuberculosis. NEJM 2015 ;373:2149-60
(5) Gillespie SH, Crook AM, McHugh TD, Mendel CM, Meredith SK, Murray SR, Pappas F, Phillips PP, Nunn AJ. Four-month moxifloxacin-based regimens for drug-sensitive tuberculosis. NEJM 2014 ;371:1577-87
(6) Merle CS, Fielding K, Sow OB, et al. A four-month gatifloxacin-containing regimen for treating tuberculosis. N Engl J Med 2014 ;371:1588-98
(7) Jindani A, Harrison TS, Nunn AJ,et al. High-dose rifapentine with moxifloxacin for pulmonary tuberculosis. N Engl J Med 2014 ;371:1599-608
(8) Heemskerk AD, Bang ND, Mai NT, et al. Intensified Antituberculosis Therapy in Adults with Tuberculous Meningitis. NEJM 2016;374:124-34
(9) Haut conseil de santé publique. Enquête autour d’un cas de tuberculose. 2013. http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=391
(10) Stennis NL, Burzynski JN, Herbert C. Treatment for Tuberculosis Infection With 3 Months of Isoniazid and Rifapentine in New York City Health Department Clinics. Clin Infect Dis 2016 ;62:53-9
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