Le Pr Didier Raoult s’est élevé contre les rapports très alarmistes sur l’augmentation de la résistance aux antibiotiques lors d’une conférence de presse organisée mercredi à Marseille avec les Prs Pierre-Edouard Fournier (président du Comité de lutte contre les infections nosocomiales) et Jean-Marc Rolain (spécialiste de la résistance aux antibiotiques à l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée).
Au « Quotidien », il réaffirme notamment sa remise en cause des conclusions du rapport Carlet remis récemment à Marisol Touraine.
LE QUOTIDIEN. - Vous remettez en cause les différents rapports qui ces dernières années évoquent une augmentation de la résistance aux antibiotiques et de la mortalité qui lui est liée. Pourquoi ?
Pr DIDIER RAOULT - Tout cela relève du fantasme et je le dis clairement, ce n’est pas vrai. Et pour avancer cela, je ne m’appuie pas sur des prédictions mais sur des données réelles. Car, à Marseille, dans le CHU, nous surveillons toutes les bactéries depuis 2002. Nous disposons de données réelles, pas de projections. Et c’est la même chose pour la mortalité. Nous observons une augmentation de la résistance pour certaines bactéries alors que, pour d’autres, la résistance diminue. Pour la plupart d’entre elles, il n’y a ni augmentation, ni affaiblissement. Dans le cas du staphylocoque doré, qui est le plus fréquent des tueurs, la résistance à la méticilline a régressé de 33,4 % à 12,8 %. Une étude récente réalisée en 2013-2014 sur des souches de bactéries responsables d’infections fréquentes, notamment urinaires, n’a mis en évidence aucune souche multirésistante. Les résistances ponctuelles sont rarement bénéfiques pour la bactérie elle-même. La mortalité due à une bactérie résistante est trois fois plus faible que celle due à une bactérie sensible. Nous n’avons rien observé qui nous inquiète.
Le dernier rapport Carlet est pourtant très critique sur l’utilisation des antibiotiques ?
Certains déclenchent une « folie anxieuse » en donnant des chiffres alarmistes. Je répète que ce n’est pas vrai. Tout cela n’est que spéculation, des prédictions basées sur des « et si, et si… » mais cela ne repose sur rien. Nous sommes capables de traiter 100 % des infections liées aux bactéries, mais à condition de bien nous servir du spectre très large d’antibiotiques dont nous disposons.
Et pour quelle raison, selon vous, délivrer des informations sans fondement réel ?
La question demeure celle du financement de la recherche. Le domaine des maladies infectieuses a été nourri pendant trente ans par l’industrie pharmaceutique, qui payait la recherche, les congrès, les études. Maintenant, il n’y en a plus. On ne fait plus d’études sur les antibiotiques parce que la niche est tellement étroite qu’on ne peut plus gagner d’argent. Et deuxième élément : les antibiotiques qui ont été mis sur le marché ces dernières années l’ont été sur la base d’études de non-infériorité. Aucun n’a montré de supériorité par rapport aux molécules existantes. Depuis 10 ans, et cela peut être un vrai problème, on n’a pas de nouveaux antibiotiques. Toutefois, les antibiotiques anciens marchent très bien, notamment sur les bactéries multirésistantes. C’est un patrimoine dont il faut se servir.
Vous refusez le message, « les antibiotiques, c’est pas automatique » ?
Le plus grave, ce sont les surinfections infectieuses. Le risque, si une grippe perdure au-delà de 3 jours, est la survenue d’une surinfection bactérienne respiratoire pouvant entraîner une septicémie en quarante-huit heures. Il est donc erroné de croire qu’une grippe ne se soigne pas avec des antibiotiques. Si les symptômes persistent plus de trois jours, on doit en prescrire. Mais il faut surtout faire confiance aux médecins.
Avez-vous pu évoquer votre point de vue auprès de Marisol Touraine, ministre de la Santé, qui veut réduire de 25 % la consommation d’antibiotiques ?
Oui, j’ai dit au ministère que je ne croyais pas une seconde à ces prédictions. Je ne crois pas qu’on puisse décider en fonction de l’émotion, mais seulement en fonction de données réelles. On ne peut pas simplifier tout le temps. Certaines pratiques me semblent dangereuses comme l’utilisation de cathéters. À l’hôpital, 10 000 personnes par an meurent probablement chaque année de septicémie liée aux cathéters.
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