Le citrate de sildénafil (Viagra) pourrait devenir une nouvelle arme de lutte contre la transmission, de l’homme vers le moustique, du parasite Plasmodium falciparum, responsable du paludisme. La molécule agirait en rigidifiant la paroi des globules rouges humains infectés qui circulent dans le sang – un processus qui déclenche leur élimination par la rate. Dans ce cadre, le parasite, n’étant plus véhiculé dans la circulation sanguine, ne peut donc plus être transmis par piqûre de moustique à un autre hôte. C’est ce que suggère une étude franco-anglaise, menée par Catherine Lavazec et Gordon Langsley, chercheurs au CNRS, à l’Institut Cochin à Paris, en partenariat avec David Baker, de la London School of Tropical Medecine and Hygiene.
C’est une découverte « surprenante » car elle concerne la forme sexuée du parasite, alors que les traitements actuels ciblent sa forme asexuée, confie au « Quotidien » Catherine Lavazec. Les résultats de cette nouvelle étude, publiée dans « PloS Pathogens », ouvrent de nouveaux champs d’investigation dans la lutte contre la propagation du paludisme.
Rendre les globules rouges rigides
Chez une personne infectée par Plasmodium falciparum, le parasite se loge (sous sa forme sexuée) dans les globules rouges immatures et rigides de la moelle osseuse. Lorsque les globules rouges – parasités ou non – deviennent matures, ils sont libérés dans la circulation sanguine, où ils perdent alors leur rigidité. En conséquence, ils traversent la rate sans être éliminés, car l’organe ne filtre que les globules rouges vieux, anormaux ou rigides. Le parasite reste donc accessible aux moustiques, qui peuvent l’absorber dans le sang de l’hôte lors d’une piqûre. « Il s’agissait donc de trouver une molécule capable de rendre les globules rouges parasités rigides, pour que la rate les élimine », explique Catherine Lavazec.
Inhiber la phosphodiestérase par le sildénafil
Grâce à un modèle mimant l’activité de la rate in vitro, les chercheurs ont étudié les propriétés de déformabilité du « duo globules rouges – parasite ». Ils ont d’abord identifié le mécanisme de rigidité du duo, qui fait intervenir l’AMP cyclique (AMPc) et les phosphodiestérases.
« Nous pensons qu’il y a des échanges qui s’établissent entre le parasite et le cytoplasme du globule rouge : l’AMPc produit par le parasite peut se trouver dans le cytoplasme du globule rouge. L’AMPc, en s’accumulant, favorise la rigidité du globule rouge », souligne la chercheuse. Mais les phosphodiestérases présentes entrent alors en action, et dégradent l’AMPc – ce qui rend les globules rouges à nouveau déformables et viables dans la circulation sanguine.
« On a donc eu l’idée d’utiliser un inhibiteur de phosphodiestérase, pour éviter ce retour à la forme déformable... Et c’est justement ce que fait le citrate de sildénafil (Viagra) », explique Catherine Lavazec. En présence de Viagra, l’AMPc s’accumule dans les globules rouges parasités. Ces globules rigides se retrouvent alors bloqués dans l’endothélium de la rate, qui les élimine. Ainsi le moustique n’a plus accès au Plasmodium falciparum, qui n’infectera pas d’autres victimes.
« Nous allons continuer à étudier le mécanisme en détail. Nous ne connaissons pas toutes les étapes physiologiques impliquées. Par exemple, sur quelle protéine membranaire du parasite agit le Viagra ? On testera également d’autres molécules, voisines du Viagra, ensuite nous aimerions mettre en place une étude in vivo », conclut Catherine Lavazec.
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