Courrier des lecteurs

Petit conte du temps où un mal invisible rodait en France et que l'on appelait coronavirus

Publié le 21/04/2020

Cela est vrai ou peut-être que ça ne l'est pas… Il était une fois une joggeuse et son ami le joggeur. Oui, ils sont très courageux et très sportifs; les passants qu'ils dépassent ou qu'ils croisent sont béats d'admiration, ce qui accroît considérablement le volume de leur« ego» chaque dimanche matin.

Seulement, il y a un petit problème en ce moment (ils l'ignorent, ou peut-être pas) nous avons tous des consignes de confinement, ce qui signifie que nous ne pouvons pas sortir de chez nous (quand je dis « nous » c'est tout le monde dans notre pays : eux , vous, moi, nos enfants, nos parents, plus d'un milliard et demi de gens sont confinés aujourd'hui…). Encore moins, si, comme ils le font, en ce moment, c'est pour aller, à chaque expiration forcée, vapoter sur les bords du fleuve les virus qui se multiplient en ce moment dans leurs poumons.

Ils l'ignorent probablement, mais il y a quatre jours, leur ami qui travaille à côté de l'hôpital, et qui avait tenu absolument à embrasser sa copine l'infirmière, malgré les consignes -son désir était tel qu'elle a cédé- a été contaminé par elle. Elle n'avait aucun symptôme. Lui non plus, mais…

Quant à ce jeune père de famille que nos grands sportifs du dimanche viennent de dépasser et qui apprend à marcher à son jeune enfant en compagnie de son grand frère, il les a admirés lui aussi, ils en sont certains. N'ont-ils pas fière allure dans leurs efforts désespérés pour« éliminer leurs toxines» !

Ils mangent« bio», boivent« bio», sont« végétariens», travaillent dans une« start-up», parlent un sabir qu'ils comprennent tout juste eux-mêmes… Alors les virus… « Hakuna matata» ! Pas de problème ! On est les plus forts ! « We Will Survive !!». Alors, « ton milliard et demi de trouillards tu sais ou tu peux te le mettre ?...»

En rentrant chez eux, pour annoncer à leur mère que bébé avait fait quatre pas tout seul, sans tenir la main de papa, leur gentille maman a eu droit à plein de bisous tout mouillés sur ses joues roses de bonheur… Et maintenant pleines de leurs virus ! Comme la barbe de papa !

Après la sieste de bébé, ils sont partis tous les quatre, annoncer la grande nouvelle aux mamies et papys -d'abord les parents de maman puis ceux de papa- chez lesquels ils sont restés dîner le soir. Car le frère de papa était là avec sa femme et leurs trois enfants. Ils habitent dans le sud, eux, et bien sûr ils ne peuvent se voir souvent. Ils ont eu une dérogation pour rentrer par le train demain matin. Alors ils en ont profité pour faire une petite fête. Ils se sont faits plein de bisous et de cadeaux… des virus tout neufs qui étaient dans la barbe de papa, sur les joues de maman et les mains des enfants. C'était chouette ! Papy savait où étaient les contrôles de police; donc, ils ont fait un détour pour rentrer vers minuit. Pas grave ! Il n'y a pas école et maman fait du télétravail à la maison et papa ne travaille qu'un jour sur trois, parce que c'est lui le chef de l'entreprise.

Mais ça, c'était il y a dix jours, depuis la joggeuse est enrhumée, a de la fièvre, mal à la tête et tousse beaucoup au point de mal dormir chaque nuit. Son compagnon, lui, était tellement essoufflé qu'il a fallu l'hospitaliser et qu'il est en réanimation. Son pronostic vital est engagé, comme disent les médecins et elle ne peut pas lui rendre visite. Il en est de même pour le jeune père de famille qui apprenait à marcher à son enfant. Ses parents également sont dans la chambre voisine et peinent à respirer. Dans le sud, le village de son frère, indemne jusque là, fait partie des villages les plus contaminés de France. Mais ceci est une autre histoire… La connerie tue !

Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.

Dr Jean-René Le Hécho Médecin généraliste, Léognan (33)

Source : Le Quotidien du médecin