Publier tous les résultats des recherches, y compris les données sources, est un objectif de la science ouverte. Faut-il limiter l’accès à tous les résultats ? Les chercheurs et les comités de rédaction des revues scientifiques doivent être vigilants.
Des recherches non éthiques sont parfois utiles
En Chine, des organes peuvent être prélevés chez des prisonniers, soit après exécution, soit contre un avantage de type remise de peine. Bien que le gouvernement chinois ait banni depuis 2015 les prélèvements d’organes chez des prisonniers, il semble qu’un tourisme médical existe encore pour recevoir un greffon. La provenance des organes n’était pas spécifiée dans un article sur 564 transplantations de foie faites en Chine et publié dans la revue Liver International (2016). Des lecteurs ont demandé l’origine des organes : le rédacteur en chef a contacté les auteurs qui n’ont pas répondu.
La revue a courageusement décidé de rétracter l’article, c’est-à-dire de le retirer de la littérature ; il existait des indices montrant que des organes avaient été prélevés chez des prisonniers. L’article n’est plus accessible dans sa version électronique, mais il est consultable dans les numéros archivés dans des bibliothèques !
Retirer l’article électronique du site n’est pas une bonne décision, car l’archivage des données, même invalidées, est essentiel pour l’histoire de la science. Fallait-il publier cet article ? Peut-on refuser un bon article au motif que la recherche n’était pas éthique ? Qu’en est-il des articles en langue chinoise auxquels nous n’avons pas accès ? Les controverses sont nombreuses…
Dans le domaine de la génétique, des données massives d’ADN, une vigilance doit exister. Le 30 juin 2021, le quotidien anglais The Guardian est revenu sur la démission du Pr D. Curtis de son poste de rédacteur en chef de la revue Annals of Human Genetics. Membre de l’Institut de génétique de l’University College of London, il n’avait pas accepté que l’éditeur Wiley, propriétaire de la revue, s’oppose à la publication d’une lettre questionnant les objectifs de la science en Chine et proposant un boycott des manuscrits des chercheurs chinois. Cette lettre a également été refusée par des revues prestigieuses (The Lancet, BMJ, JAMA), au motif que leurs correspondants en Chine seraient mis en péril par un boycott de ces recherches, et c’est probablement exact.
Comment, au niveau international, évaluer si des recherches sont conformes aux principes de l’éthique, de la morale car les cultures et réglementations varient entre les pays ? Ce qui semble admis dans certains pays, asiatiques par exemple, ne l’est pas toujours en Europe et inversement. Comment apprécier ces situations, d’autant plus que la science peut avancer grâce à ces recherches dites non éthiques. Doit-on devenir méfiants, réservés, voire au pire ne plus considérer des données de recherche d’origine chinoise ?
Des publications pourraient inspirer des terroristes
La recherche à double usage dite préoccupante (concept DURC pour Dual Use Research of Concern) est une recherche dans des domaines stratégiques comme la défense, les sciences de la vie. Ces recherches pourraient fournir des informations, des produits ou des technologies pouvant être mal appliquées ou être adaptées hors du contexte de la recherche initiale. Ces données peuvent constituer une menace avec des conséquences potentielles pour la sécurité publique, la santé humaine et animale, l’agronomie, l'environnement. La publication de la synthèse d’une nouvelle toxine ou d’un agent pathogène pourrait être utilisée à des fins terroristes.
Le gouvernement de quelques pays, dont les États-Unis, ont des listes d’agents à surveiller, par exemple les toxines botuliques, des virus (H1N1, variole, Ebola…), des bactéries (Yersinia pestis, Bacillus anthracis…). Il existe des listes de manipulations à surveiller (augmenter le tropisme ou les risques de ces agents, changer l’immunité, conférer une résistance, échapper aux détections,…). Ce sont de petits domaines de la recherche. Des agences de sécurité ont des recommandations pour ne pas publier ou publier en omettant volontairement des informations. Les chercheurs, les comités de rédaction des revues scientifiques et autres décideurs, émerveillés logiquement par les progrès de la recherche, doivent être vigilants.
Exergue : Les chercheurs, les comités de rédaction des revues scientifiques et autres décideurs, émerveillés logiquement par les progrès de la recherche, doivent être vigilants.
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