C’EST À 240 km de Paris, à l’hôpital Maritime de Berck, que s’est installé le projet i-Bird, un drôle de projet au nom d’oiseau, mais qui constitue une expérience unique, menée au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, pour mieux comprendre la dynamique des infections nosocomiales. « Pourquoi certaines bactéries résistantes aux antibiotiques (staphylocoques dorés résistants à la méticilline, entérobactéries résistantes aux céphalosporines de troisième génération) parviennent plus facilement à se transmettre que d’autres au sein d’un hôpital ? », Pourquoi « ont-elles à un moment donné un tel succès épidémique ? ». C’est en travaillant sur ce type de question que le Dr Didier Guillemot, médecin épidémiologiste à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, chercheur INSERM/Institut Pasteur, a eu l’idée d’un projet tout à fait innovant. Parmi tous les facteurs affectant la transmission : individuel d’exposition aux antibiotiques, environnemental (existence d’une forte proportion d’individus colonisés par une bactérie dans un service un jour donné), lié à la bactérie (capacité plus ou moins grande à se transmettre lors d’un contact), la dynamique des contacts entre individus lui est apparue comme un élément essentiel qui rendait possible la transmission. Mais comment le mesurer ? « Un jour, en regardant mes filles jouer avec un tamagotchi (animal de compagnie virtuel), j’ai pensé : bien sûr c’est cela qu’il faut faire ? » C’était en 2005.
Quatre ans plus tard, le programme i-Bird est lancé. « Le mot sonne parfois creux. Mais pluridisciplinarité est bien celui qui qualifie le mieux ce projet. Pour relever le défi, il fallait combiner les compétences des épidémiologistes, des spécialistes des technologies de l’information, de biologie moléculaire, mais aussi celles des cliniciens et des soignants. » La rencontre avec Éric Fleury, professeur à l’ENS de Lyon, chercheur spécialisé dans la modélisation de la dynamique des réseaux à l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) a été décisive. Ses équipes sont parvenues à mettre en au point un capteur de petite taille capable d’identifier et d’enregistrer dans une mémoire flash, les messages émis par d’autres capteurs situés dans un rayon de 2 m et disposant d’une autonomie d’au moins six mois. Le programme intégré au projet européen MOSAR (Mastering hospital antimicrobial resistance in Europe), coordonné par le Pr Christian Brun Buisson (Chef de service de réanimation médicale à l’hôpital Henri Mondor), a pu bénéficier d’un financement par l’Union européenne (voir encadré). Restait à trouver le lieu le plus adapté pour une expérimentation sur une large échelle.
Enthousiasme.
L’hôpital Maritime de Berck/mer, rattaché depuis 2005 à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, semblait tout indiqué : un établissement de rééducation fonctionnelle, de taille modeste, avec un personnel fortement impliqué auprès de patients dont la durée de séjour est relativement longue, deux mois en moyenne. Ces patients ont en outre un risque élevé d’être porteurs de bactéries résistantes du fait de multiples antibiothérapies ou en raison de nombreux transferts dans des services de réanimation (cathéter central, intubation) ou de chirurgie à haut risque (neurochirurgie, orthopédie). « Le projet a été accueilli avec enthousiasme, explique Jennifer Lasley, épidémiologiste (INSERM), chef du projet i-Bird. Le taux d’acceptation a été de 90 % que ce soit du côté des soignants que de celui des patients. » Membres du personnel ou patients, tous vont être équipés de petits capteurs communicants qu’ils pourront mettre dans une poche ou accrocher à leur vêtement. « Aujourd’hui, 200 patients et 240 soignants en sont équipés. Le boîtier est devenu un signe d’appartenance », poursuit-elle. Les patients ne le quittent guère - pour la douche ou les soins dans l’eau, car il n’est pas étanche ou lors du coucher - et les soignants l’ont intégré comme un rituel lors de leur prise de service. Le grand tableau sur lequel sont accrochés les capteurs mis au repos la veille fait maintenant partie du mobilier de la salle de soins.
Un milliard de contacts.
Pour les participants, la contrainte ne s’arrête pourtant pas là. Une fois par semaine, des prélèvements nasaux et rectaux (écouvillon) sont réalisés par l’équipe de chercheurs et d’infirmières de l’INSERM et envoyés au laboratoire du Pr Jean-Louis Herrmann, à Garches. « Nous disposerons ainsi d’une cartographie journalière des patients et des soignants mais aussi de la cartographie de la flore dont ils sont porteurs », souligne le microbiologiste.
Au bout des six mois d’expérimentation, 800 personnes auront participé, les chercheurs disposeront de 16 000 à 18 000 prélèvements et auront enregistré près d’un milliard de contacts.
Comparer et analyser toutes ces données représentent là aussi une gageure, nécessitant le développement d’outils informatiques et statistiques adaptés. Les chercheurs de l’INSERM, de l’Institut Pasteur et de l’INRIA espèrent que leurs résultats, prévus au plus tôt en 2010, pourraient entraîner d’importantes innovations en termes de politique de prévention des infections nosocomiales.
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