LE QUOTIDIEN : Si elles sont appliquées, les nouvelles recommandations de l'OMS concernant la tuberculose multirésistante permettront-elles d'infléchir l'épidémie ?
Dr ILARIA MOTTA : Si l'on se fonde sur les dernières données du rapport global de lutte contre la tuberculose, le taux de succès des traitements contre la tuberculose multirésistante est de l'ordre de 60 %. Dans l'essai TB-Practecal, les patients du groupe sous traitement classique avaient un taux de succès de l'ordre de 52 % alors que ceux traités pendant six mois avec un régime oral BPaLM (bédaquiline, prétomanide, linézolide et moxifloxacine) avaient un taux de succès de 89 %. Il y a donc bien une amélioration de l'efficacité associée à une moindre toxicité.
Il est probable que nous arrivions à agir sur l'épidémie avec ces traitements courts et oraux, mais seulement si dans le même temps il y a un effort qui est fait au niveau du diagnostic !
C'est-à-dire ?
Entre 2019 et 2020, le nombre de personnes souffrant de tuberculose multirésistante sous traitement a diminué. On estime qu'un seul malade sur trois bénéficie aujourd'hui d'un traitement spécifique. Il y a de vrais manques au niveau du diagnostic.
Médecins sans frontières (MSF) a lancé un appel pour réduire le prix des tests diagnostiques comme le GeneXpert produit par Cepheid. Actuellement à 10 dollars, nous voudrions qu'il soit inférieur à 5 dollars pour augmenter le nombre annuel de tests effectués.
Il existe aussi des tests rapides pour mesurer la sensibilité à la fluoroquinolone mais à 19,80 dollars la cartouche, ils ne sont pas accessibles pour la plupart des pays. Ils doivent alors se tourner vers des tests dont les résultats ne sont connus qu'au bout de plusieurs semaines.
L'association BPaLM peut-elle être prescrite à tous les patients ?
Il existe des critères d'inéligibilité. Par exemple, les patients qui ont déjà été exposés plus d'un mois à la bédaquiline, au linézolide, au prétomanide ou au délamanide doivent recevoir des alternatives. Les formes injectables ne sont plus employées que dans le cas très spécifique des thérapies de sauvetage.
Mais de manière générale, presque tous les patients sont éligibles au BPaLM. Même la co-infection par le VIH ou un taux bas de lymphocytes T CD4+ ne constituent pas des critères d'exclusion. Le seul véritable blocage se situe au niveau de l'accessibilité des traitements oraux.
Si un patient ne répond pas complètement au traitement ou fait une rechute. Quel est alors le protocole à suivre ?
Si la bactérie réapparaît ou n'a pas disparu, alors il faut commencer à faire des tests de sensibilité aux antibiotiques. En fonction des résultats, il faut envisager une approche plus individualisée. Ce qui est sûr c'est que le patient va devoir entreprendre une deuxième cure plus longue que six mois.
Les formes orales sont-elles suffisamment accessibles pour que les nouvelles recommandations de l'OMS soient appliquées ?
Non, mais pas loin ! Pour certaines molécules, la disponibilité n'est vraiment pas bonne, le plus souvent pour des questions de prix. La moxifloxacine et le linézolide ne sont plus protégés par un brevet et sont donc disponibles à des prix de l'ordre de respectivement 5 et 9 dollars par mois.
En revanche, la bédaquiline, dont le brevet est détenu par Johnson & Johnson, et le prétomanide ont vu leur prix baisser ces dernières années. Ces molécules restent encore trop chères dans leurs formes orales pour être à la portée de tous les pays qui en ont besoin. La bédaquiline représente la deuxième source de coût, avec 270 dollars pour six mois de traitement. Nous pensons qu'il faudrait que le laboratoire l'abaisse encore à 102 dollars.
Le prétomanide est la molécule la plus récente de l'association. Il y a eu récemment un accord entre Mylan/Viatris et l'alliance contre la tuberculose sur un nouveau prix/volume. Le prix est maintenant de 240 dollars contre 336 auparavant.
À l’heure actuelle, un traitement de six mois par BPaLM est de 600 dollars environ, ce qui est assez proche de la cible de 500 dollars que MSF et ses partenaires avaient estimée. Il reste encore du travail.
B.-T. Nyang’wa et al, N Engl J of Med, 2022. DOI: 10.1056/NEJMoa2117166
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